Le monde des rêves

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DeletedUser55887

Guest
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Au loin, derrière les collines boisées, le soleil se couchait inondant le ciel d'une multitude de nuances rouges orangées. Là bas où l'astre majestueux s'endormait, se trouvait le monde des rêves, là où personne n'est jamais allé. Achala contemplait le spectacle, émerveillé comme à chaque fois. Tous les soirs, le vieil homme montait pieds nus sur la butte dominant son village et scrutait l'horizon, attendant le moment où les rayons couchant du soleil dévoilaient toute la beauté du monde lointain des songes. Là bas, dans les collines, les créatures des limbes dansaient sous les étoiles entonnant chants et mélodies envoûtantes au plus noir de la nuit. On disait qu'en ce lieu se trouvait le monde des esprits, là où les âmes des défunts avaient trouvé refuge.

Achala s'assit par terre, l'herbe était souple et moelleuse, confortable au toucher. Au loin, le soleil achevait sa course effrénée laissant la place à la sérénité des étoiles. Là haut sous le firmament étoilé, au sommet de la butte, le vieil homme se prit à se remémorer sa longue vie. A vrai dire, il ne se souvenait plus de grand chose. La mémoire l'avait quitté depuis maintes années. Il ne se rappelait que d'un seul nom, Nastya … une jeune fille qu'il avait connu dans sa jeunesse … Il y a si longtemps. Le vieil homme avait oublié son visage, elle était morte jeune, mordue par un serpent à l'âge de ses dix ans. Il se souvenait de son sourire, de son regard amusé, de son air moqueur, un peu jovial … Le seul être humain qu'il ai jamais vraiment aimé. Il se souvenait de leur jeux de rôle, de leur discussion, de leur défis, de leur partie de cache cache, des rires et des larmes … Il se souvenait de la mort de son amie, du long vide qui s'en était suivit. De cette époque il n'en restait rien, ni photo ni tableau … Seul un vague souvenir dans la mémoire fragile d'un vieil homme centenaire. Elle était là bas maintenant … Là bas dans les collines, parmi les créatures des limbes. Peut être s'amusait elle avec eux, peut être riait elle du même éclat joyeux qu'autrefois. Lentement le vieil homme ferma les yeux et plongea dans un sommeil sans fin.

Achala courait à toute jambe dans la prairie malgré son vieil âge, si vite qu'il avait presque l'impression irréelle de flotter sur l'herbe haute … Nul doute possible que la réalité n'avait dès lors plus de prise sur ce monde. Les collines boisées se rapprochaient si rapidement, toujours plus proches, toujours plus imposantes. Maintenant qu'il était si près il distinguait très clairement les premiers arbres. Dans leurs cimes se déplaçaient des lucioles émettant une faible lueur jaune éclairant le ciel nocturne, décrivant des rondes en d'inlassables ballets dans les branches et les feuillages. Achala était maintenant à la lisière du bois, il y entrait. Étonnamment, la forêt n'était pas sombre malgré l'obscurité de la nuit, éclairée par les étoiles et la lumière de la lune il était aisé de se repérer. Une lente mélodie envoûtait le vieil homme, les notes de musique étaient à la fois chaudes et cristallines, à la fois lointaines et proches. Les lucioles semblaient suivre le son mélodieux, sans savoir pourquoi, il fit de même. Il marcha ainsi, pendant deux minutes, peut être deux heures ou un mois, le temps semblait s'être lui même égaré. Achala arriva enfin dans une petite clairière. Au dessus de lui le ciel était rempli d'étoiles comme jamais, illuminant les lieux d'une douce lueur blanche. Assis sur une grosse pierre surplombant un petit ruisseau, un chat aux couleurs de la nuit le scrutait de ses yeux vert forêt … l'animal s'adressa alors au vieil homme. Ce n'était pas des mots, ni des cris, ni même des sons, juste des images défilants dans l'esprit d'Achala, des images se succédant au rythme de la douce mélodie, parfois lente, parfois rapide … Des images de sa vie … Sa mémoire.

Le vieil homme n'était plus vieux. Sa calvitie avaient disparue remplacée par une épaisse chevelure brune, sa longue barbe blanche n'était plus là, son dos voûté était devenu droit. Il n'avait plus cent ans mais dix. Sur le rocher le chat était parti, à la place se trouvait une jeune fille aux bouclettes dorées, aux yeux ronds d'un vert forêt et au sourire rieur, une jeune fille au visage familier. Achala pris alors la main de Nastya … Il la regarda, les yeux mouillés, peinant à croire en cette vision, ne sachant que dire ni que faire. Il remuait des lèvres, bégayant, cherchant un mot qui serait à la hauteur de ses émotions, sans succès. Sortirent alors des bois une multitude d'enfants qui, se donnant la main, entamèrent une vaste ronde autour des deux amis tout en entonnant une chanson aux milles éclats de rires et de sourires. Tout ce bonheur, toute cette grandeur, tout ce bien être se déversant soudainement dans le monde. Comme si tout le malheur et le désespoir avait quitté l'univers, comme si le grand vide qui l'habitait était comblé, comme si toutes les souffrances avaient été soudainement balayées. Là bas, sous les étoiles, dans la forêt aux lucioles, le monde des songes battait la chamade au rythme des chants et des danses des créatures des limbes ... Là bas sous les étoiles s'écrivait la promesse du monde ...

Achala ouvrit les yeux. Allongé au sommet de la colline, le vieil homme contemplait en souriant le ciel étoilé... Un épais filet de sang s'échappait de son nez, coulait sur sa joue puis sur son cou... Il faisait si froid maintenant, si froid,... Sa respiration ralentie, son sourire se figea, son regard rougi. Dans un ultime soupir, le vieil homme prononça ses derniers mots : "Laissez moi y retourner... Laissez moi y retourner... Laissez moi..."
 
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DeletedUser57324

Guest
super texte
Un peut tragique sur la fin peut-être mais bravo.
 
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