[Co-écriture] Rubicon : Genèse et effacement [Oeuvre]

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DeletedUser7903

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Prologue


Quelques millénaires avant la vie.



Un petit point bleu au milieu de l'immensité noire et sans pareil de l'espace. Une petite planète n'abritant alors pas encore la vie ...

L'Adar Kratek l'observa de ses yeux d'un gris pénétrant et la détailla dans son esprit alors parfaitement synchronisé avec son majestueux vaisseau, orbitant autour de la planète à une distance respectable. L'Adar nota l'absence de lune, ils aillaient devoir s'en passer du coup, mais ça ne serait pas la première fois, surtout dans ce système qu'il venait de parcourir en quelques années. Les puissants réacteurs maintenaient une vitesse stable autour de ce noyau d'un bleu éclatant où l'eau était présente en force. 71,2897% d'après les calculateurs de son vaisseau.

Il décida qu'il était temps pour lui de nommer la planète : S-6E, 19e système visité, 6e planète habitable dans des concordances parfaites avec le paquet génétique E. Il ajouta pour lui même une note précisant de nouveau l'absence de lune, comme pour cette petite planète rouge, nommée alors S-5A, quelques jours plus tôt. Il allait devoir envoyer la sonde de suivie planétaire profondément sous la croûte terrestre, ce qui ne poserait en soit aucun problème, vu qu'elle était capable de se relier à travers des centaines de kilomètres de roches aux racines de ces arbres magnifiques qui couvrait l'entièreté du continent unique naviguant sur les flots bleus.
- Que le cargo Itchia se tienne prêt à pénétrer dans l'atmosphère de la planète S-6E sur mon ordre, annonça Kratek de sa voix mélodieuse, tout en adressant une courte prière à l'équité et l'égalité de toute forme de vie disséminée par la grâce des Adar dans l'univers majestueux.
- l'Itchia est paré mon commandeur. Le labo génétique est en place et arrimé.
- Allez-y, ordonna Kratek.

Un petit point se détacha de la superbe et monumentale coque du transporteur stellaire Librum et se mit à la longer en direction de S-6E. La coque, resplendissante dans la lumière projetée par l'unique soleil du système reflétait avec grandeur la construction sublime des Adar. Cet énorme vaisseau avait sillonné l'espace interstellaire depuis presque un millénaire, dispersant le paquet génétique, œuvre de bonté et cadeau des Adar à l'univers vaste et inhabité. Un ensemencement à l'échelle galactique, où chaque planète capable de recevoir et d'héberger la vie se voyait doté d'un colis génique. Et à chacun de ces colis était donnée la même chance que les Adar mettaient en avant : équité et égalité.
Le pilote vira et se glissa derrière le Librum tout en observant une dernière fois les lueurs apaisantes et bienveillantes des énormes moteurs de saut occupant toute la partie arrière du transporteur stellaire.

Le petit vaisseau cargo pénétra dans l'atmosphère de la planète et se mit à voler de façon stationnaire à plusieurs kilomètres au-dessus de la surface, le temps que les généticiens Adar rejoignent le laboratoire et se mettent à compiler les données nécessaires à finaliser le colis génétique qui allait être délivré. Le pilote de l'Itchia vit alors fondre l'énorme sonde en direction de la planète, quelques kilomètres devant lui, s'enfonçant dans un nuage à une vitesse ahurissante et percutant la planète en contrebas quelques secondes après. Elle allait maintenant s'enfoncer de quelques centaines de kilomètres grâce à l'inertie qu'elle avait acquise.
Les généticiens annoncèrent alors que la finalisation du paquet génique venait de prendre fin, les diverses caractéristiques et composantes principales de la planète prisent en compte, de façon à ce que l'équité et l'égalité soient respectées.
L'Itchia reprit alors sa descente vers l'unique continent de S-6E.

L'Adar Kratek observa l'Itchia voler à basse altitude au-dessus du manteau de cette forêt dense et persistante en vue d'un endroit dégagé dans le lequel il pourrait alors livrer le paquet. Ce fut chose faite dans une petite prairie, proche de la masse d'eau considérable qui allait s'offrir aux futurs habitants de cette planète. L'ensemencement venait de prendre fin sur S-6E et dans ce système à un soleil. L'Itchia commença à regagner de la vitesse et rejoignit le Librum rapidement. Kratek avait alors eu le temps de faire préparer son transporteur stellaire à un bond vers le 20e système à visiter.
Les énormes propulseurs s'allumèrent et commencèrent à pousser la masse olympienne du Librum hors de l'attraction de la planète bleue. Au nombre de 8, ils étaient capables de donner une poussée nécessaire pour que les distances les plus longues entre 2 planètes d'un même système s'en retrouvent considérablement réduites. Mais désormais, il n'avait que besoin de s'éloigner de quelques milliers de kilomètres de la planète avant d'enclencher le système de bond spatio-temporel équipant le Librum pour rejoindre le système T. Les capteurs lui annoncèrent que la distance minimale vis-à-vis de la planète était respectée pour que le bond puisse s'effectuer dans danger d'altération des caractéristiques et des composantes primaires du noyau. Kratek décida d'attendre encore que quelques milliers de kilomètres s'écoulent avant d'amorcer la séquence de saut. Il l'actionna au moyen d'une commande mentale que le système du vaisseau comprit instantanément.

L'espace commença à onduler devant le transporteur stellaire ... comme s'il se déchirait. Kratek l'avait déjà vu des centaines de fois, si bien que pour lui, cela n'avait plus grand intérêt. Une lumière verte se dégagea autour de la distorsion et commença à s'enrouler autour du Librum, comme des volutes de fumée. Elles se resserrèrent autour de la coque du vaisseau, s'enlaçant comme des tentacules d'un quelconque monstre habitant les abysses spatiaux et le vaisseau disparu alors, sans un bruit, sans une vague.



Quelques millénaires après l'ensemencement.

L'Adar
Silka mit le puissant Aqualis en position au-dessus de R-24B et observa les données que les capteurs avaient mis du temps à assembler. Elle se laissa immerger par le flot ininterrompu d'informations, assimilant les avancées technologiques du peuple vivant sur la planète et également sur l'évolution des caractéristiques primaires cette dernière. Elle observa avec dédain ce qu'ils avaient fait à cette terre, la souillant et en abusant sans retenue quelconque. Un rictus se forma sur son visage en général si doux ... Elle repensa à la banque génétique que ses prédécesseurs avaient alors disséminée dans toute la galaxie. Il était temps désormais de réparer certaines erreurs ...

Le Rubicon se tenait en arrière, et son Adar commandeur, Amalr, observait attentivement l'Aqualis tourner autour de R-24B, dernière planète du système. Il savait bien ce qui allait se produire. Cela s'était déjà produit à plusieurs centaines de reprises, et cela ne s'arrêterait pas de sitôt. Tout cela à cause de la nature des ensemencés. Certains avaient simplement abusé des planètes, les torturant et les dénaturant, les épuisant jusqu'à ce qu'asséchées, elles ne ressemblent plus qu'à un vulgaire caillou flottant dans l'immensité spatiale. Quoi qu'il en soit, la conscience du peuple Adar avait fait son choix : il fallait réparer l'univers, et sauver ce qui pouvait être sauvé. C'est pour cela que les vaisseaux voyageaient par paire : un capable de délivrer une planète et l'autre capable de réparer les énormes dégâts. La technologie Adar en était capable, c'était une obligation qu'ils avaient envers l'univers pour l'avoir ensemencé. Et tous, comme un peuple uni dans la douleur, répondaient présents à cette nouvelle mission.
L'Aqualis était là pour délivrer la planète R-24B, 24e planète habitée du système. Sauf que cette fois-ci, on ne pouvait rien y sauver comme les capteurs l'avaient annoncé. La planète était déjà morte, et le peuple, technologiquement avancé, pouvait être capable de voyager dans l'espace, et comme un essaim de sauterelles, il pourrait ravager d'autres planètes. Et cela ne devait pas arriver. Le rôle du Rubicon serait alors simple : observer et traquer d'éventuels fuyards.

Silka récita la litanie du pardon galactique et adressa une courte prière à l'esprit de l'univers, lui demandant pardon pour ce que ces ancêtres avaient cru bon de faire en partageant et en donnant l'opportunité à la vie de s'adonner en équité et égalité dans l'espace froid et incertain. Elle amorça alors la technologie Adar de destruction planétaire.
Son gigantesque vaisseau noir commença alors à se scinder en deux à partir de son centre : d'énormes bras mécaniques se mirent en route, réagençant parfaitement le vaisseau pour sa céleste mission de libération. Des arcs électriques d'un bleu éclatant se mirent à courir sur la coque, faisant alors briller le vaisseau d'une lueur bleue ténébreuse.

Amalr observa l'Aqualis se déployer entièrement en dessus de la planète. D'énormes arcs électriques étaient maintenant en train de courir sur la coque du vaisseau, surchargeant les batteries Adar d'énergie transportée par les vents solaires. Amalr décida d'éloigner légèrement le Rubicon afin d'éviter que ses capteurs soient momentanément aveuglés par la mission de l'Aqualis.
Les magnifiques lueurs bleues s'arrêtent alors de danser sur le majestueux Aqualis : il redevient aussi noir que l'espace l'entourant et reste stationnaire au dessus de la planète. Amalr sait que le moment est venu, que le devoir du vaisseau va bientôt être délivré.

Une énorme sphère mêlant brillamment et parfaitement le bleu et le gris commence à enfler sous le métal sombre et ténébreux du vaisseau. Silka le sent au fond de ses entrailles : la puissance l'enivre et la fait trembler. La planète R-24B se découpe sous ses yeux : sale ... sombre ... morte. Le globe continue de gonfler et de croître à mesure que l'énergie accumulée se déverse en son cœur : il devient bientôt aussi gros que la lune orbitant à distance de R-24B. Silka sent qu'il est temps de libérer la sphère pour qu'elle puisse accomplir sa divine mission. Les bras s'éloignent prestement de cette lumière désormais aveuglante alors qu'elle commence à glisser imperceptiblement vers R-24B, lentement attiré par la gravité de cette dernière. Silka observe silencieusement.

La sphère pénètre délicatement l'atmosphère de la planète et attirée de façon plus conséquente par la gravité, elle commence à chuter brutalement. Les nuages s'en trouvent avaler sur le chemin de cette lumière aveuglante et la planète entière s'embrase à cause des radiations émises par cette gigantesque boule. La température de la planète s'élève rapidement jusqu'à ce que rien de vivant ne puisse y survivre. Et la sphère percute le noyau de la planète, le déchirant en s'enfonçant profondément vers son noyau, avalant les kilomètres de roche en fusion comme s'il ne s'agissait que d'une poussière sur son chemin.

Amalr observe la planète briller de mille feux alors que la sphère fait son office et avale la planète, qui malgré elle, tente de survivre. Mais rien ne peut survivre au flambeau Adar. L'Aqualis a déjà rejoint le Rubicon à distance de la planète avant que cette dernière ne s'éteigne simplement, comme on éteindrait une bougie en soufflant dessus.
Amalr sent que Silka entre en contact avec lui ...
- Nous devons aller vers S-6E réparer l'erreur de l'égalité.

Et les deux vaisseaux effectuèrent le bond les menant vers cette planète nommé La Terre par ses habitants.

 
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Edwart d’Orange sortit de l’Université d’Amsterdam. Ses cours venaient de finir avec deux bonnes heures d’avance sur l’horaire prévu. Il n’avait pas la moindre idée de comment occuper sa fin d’après-midi. Une balade en ville semblait le meilleur moyen pour passer le temps avant de prendre le bus de 18h 27.

Le ciel se couvrait de nuages gris, et une légère pluie tombait sur la ville depuis le matin. Il regrettait le doux soleil d’Aout maintenant que s’avançait tranquillement l’automne sur le plat pays. Désormais, Amsterdam recevait averse sur averse, et on n’annonçait pas d’amélioration avant la semaine prochaine. Déprimant. Edwart s’enfonça dans son manteau, bien décidé à n’en sortir que quand il serait dans un magasin, bien au chaud. Il s’arrêta devant la vitrine attirante d’une boutique, où étaient exposés les derniers cris en manière d’habillement. Il ne prit même pas la peine de regarder l’enseigne pour connaître le nom du fabricant. Lacoste, Dior, H&M, Kalvin Klein, Bonobo, Channel… Tous les mêmes. La seule chose qui changeait, c’était le petit logo cousu sur l’habit et qui faisait s’envoler les prix. A croire qu’il était fait en fil d’or. Lamentable. Edwart se détourna de la vitrine et partit vers le centre de la ville. Une rafale s’engouffra par le col de sa veste et un frisson glacial lui courut le long de l’échine. Putain de météo. Ça le déprimait plus qu’il ne l’aurait pensé.

Le centre-ville se révéla tout aussi passionnant. De grands noms se disputaient les petits locaux datant d’il y a des siècles. Feraient mieux de les rénover et de les inscrire au patrimoine, songea Edwart. Au coin d’une rue pourtant, il tomba sur la boutique d’un petit antiquaire. Il décida d’entrer. On ne sait jamais sur quoi on peut tomber dans ce genre de magasin. La sonnette tinta quand il poussa la porte. L’intérieur était chaleureusement éclairé par quelques lampes au plafond. Edwart se retourna et referma la porte sans un bruit, enlevant sa capuche pour aller faire le tour des rayons. Il y avait un peu de tout sur les étagères : des vieux tableaux, des effets personnels vétustes, des armes d’avant-guerre. Rien de fondamentalement intéressant.

Edwart finit tout de même par dénicher une ancienne montre à rouage comme on en faisait plus. Il avait toujours été fasciné par les mécanismes complexes aussi loin que sa mémoire pouvait remonter. Et celle-ci était une sacrée belle pièce. L’enveloppe était en bois poli, par les mains ou le temps Edwart n’aurait su le dire. Le bracelet de cuir qui servait à l’attacher semblait quasiment neuf. Mais c’était surtout le centre qui intéressait Edwart. Le fond était parsemé de reflets orange-verts, les heures étaient inscrites en noir, petits chiffres romains le long de la bordure. Les aiguilles semblaient de verre. Le doux tic-tac presque inaudible captiva Edwart. Tic, tac. Son regard se braqua sur les aiguilles. Tic, tac. Edwart les voyait danser. Son cœur accéléra. Tic, tac. Ses yeux s’agrandirent et sa main se crispa sur l’étagère.

- Une pièce de collection, si vous voulez mon avis.

Edwart sursauta. Un petit homme se trouvait en retrait dans le rayon. Il ne l’avait pas entendu venir, tout absorbé qu’il était par cette étrange montre. Edwart se laissa retomber contre l’étagère. Il haletait. Quel damné pouvoir pouvait bien émaner de cette montre ? Il tourna la tête. L’homme en face de lui devait avoir la soixantaine, comme en témoignaient ses cheveux décolorés par le temps. Il souriait, mais d’un sourire de connaisseur. Il savait l’effet que produirait cette montre si d’aventure on y posait les yeux. Un silence s’installa entre eux durant quelques instants.

Edwart secoua soudain la main, et se détourna. Il avait déjà passé trop de temps ici. Il sortit de la boutique, mais il sentait toujours le poids du sourire du vieillard sur ses épaules. Il continua sa route sans se retourner, vers son arrêt de bus.

Edwart s’arrêta brutalement au milieu de la rue. Il ne pleuvait plus. Deux semaines que ça n’arrêtait pas, et là, une accalmie. C’était trop beau pour être vrai. Une vibration dans sa poche le tira à contrecœur de sa rêverie. C’était une information d’offre de la part de son opérateur. Edwart rangea rageusement son portable dans sa poche et reprit son chemin à grande enjambées. Il ne fit pas cinq pas qu’il le ressortit de nouveau. L’horloge sur l’écran indiquait 18h 42. Et il n’y avait pas d’autres bus avant le lendemain. Edwart étouffa un juron et reprit son chemin en sens inverse, marchant plus vite que jamais. « On ne sait jamais sur quoi on peut tomber dans ce genre de magasin. ». C’était bien vrai. Damnation !

Les rues défilaient, identiques. Edwart marchait, sans savoir où il allait. La pluie s’était remise à tomber, et il était d’une humeur massacrante. La tête basse, il traçait pourtant son chemin avec une grâce exemplaire. Il n’avait pas desserré les mâchoires depuis qu’il avait vu qu’il avait dépassé l’horaire. Qu’allait-il faire ce soir ? Où manger, où dormir ? Des questions qui ne trouvaient pas de réponse. Alors il marchait. Pour réfléchir. Pour oublier. Sa colère s’éteignait peu à peu, face à un flot de mélancolie. Il trouva un abribus vide plusieurs kilomètres plus loin, dans la jungle inextricable que formait la ville. Il s’assit sur le banc qui siégeait là, les yeux étrangement vides. Bientôt, il s’endormit.

Les sirènes qui résonnent dans un bruit d’enfer, les passants qui passent sans les voir, il n’y a que ceux du même monde qui voient ce qui se passe à leur étage. Le monde est noir et sans lumière.

Edwart repris brutalement conscience. Si réel… Il s’assit péniblement sur le banc. Son cauchemar lui semblait si vrai. Des visions d’horreurs qui ne manqueraient pas de la hanter maintenant. Il se leva. Dehors il faisait encore noir. Quelle heure était-il ? Il n’en savait rien. Son portable s’était déchargé pendant son sommeil. Il n’avait déjà plus beaucoup de batterie. Edwart sortit la tête de l’abribus pour essayer de voir la position de la lune, mais celle-ci était cachée par d’énormes nuages gris. Il ne pleuvait plus. A défaut d’avoir autre chose à faire, Edwart se mit à arpenter les rues.

La sirène lui parvenait jusqu’à ses oreilles. Un vacarme assourdissant quand on vient de sortir de quelques heures de sommeil et que Morphée guète dans les recoins de l’esprit. Le bruit s’amplifiait, mais Edwart ne savait pas dire si c’était lui qui l’imaginait ou si c’était bien réel. Au coin d’une rue pourtant, il la vit. Une ambulance. Son gyrophare trouait la nuit d’éclats bleutés, sa sirène déchirait le silence ambiant. Edwart s’approcha. On sortait quelqu’un d’une maison. Un drap blanc recouvrait le brancard. Derrière, les larmes et les cris de ceux qui espèrent qu’il s’en sortira. Devant, les gestes froids et la tête baissée de ceux qui savent qu’il ne s’en remettra pas. Edwart recula. Il trébucha en descendant du trottoir, et tomba dans une flaque. Il se releva presque instantanément, se débarrassant de sa veste trempée. Sa poche s’ouvrit et son portable glissa dans l’oubli d’une bouche d’égout. Il se mit à courir. Non, il ne courait pas. Il fuyait. Il fuyait des démons invisibles qui dans l’ombre avaient des rires sadiques et qui se riaient des tragédies. Edwart en était écœuré. Il avait les larmes aux yeux. Un cri de rage sortit de lui-même à mesure qu’il s’éloignait du drame.

Il passa devant une rue mal éclairée, et ralentit. Il tourna la tête. Il distinguait des formes sur les trottoirs. Il s’approcha, descendit dans les ténèbres. Il s’arrêta devant une des formes. Des regards se fichaient dans son dos, mais il ne les voyait pas. Sa tête se baissa pour fixer les contours sombres qui gisaient sur le trottoir. Pas de mouvement. Les larmes coulaient sur ses joues, et tombait sur le sol, semblables aux gouttes de pluies. La figure sombre, emmitouflée dans un vieux manteau, leva lentement la tête. Edwart ne la voyait déjà plus. Il ne voulait pas la voir. De ses yeux sortaient toujours ces larmes amères. Il se laissa choir à genoux sur le sol. La forme sombre avait suivi des yeux sa chute. Il tendit un bras pour toucher Edwart, déclenchant un souffle d’air. Edwart entrouvrit les yeux. A travers le rideau qui lui brouillait la vue, il put voir des yeux noirs, ternes. Sans éclat. Il n’étaient pas mort, mais ils avaient cessés de croire en la vie. Edwart se releva précipitamment, esquivant le bras qui se tendait. Il quitta la rue, insensible aux mains qui se tendaient un peu partout. Il n’avait rien à leur offrir. De la compassion ? De l’amour ? Qu’allait-il en faire ? Edwart n’en avait déjà plus assez pour lui-même. Il s’enfuit dans les ténèbres.

Il arriva aux docks après une longue course. Il se ficha sur la plus longue jetée, à fixer la mer qui se déployait devant ses yeux. Derrière s’empilaient des conteneurs par dizaines. La mer était noire, il n’en distinguait plus les risées. Un éclat métallique luisait faiblement, éclairé par un luminaire sur la jetée. Edwart recula. Même la mer n’était plus. Il heurta les conteneurs. Il se laissa glisser contre leur paroi. Il laissa vaguement trainer son regard, et se laissa sombrer.
 
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