Le train de l'impossible

  • Auteur de la discussion Ombre Colorée
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Le train de l'impossible

Le train est une métaphore de la vie. Si vous lisez ce récit, vous comprendrez mieux la vie que vous vivez. A moins que ce ne soit de la publicité mensongère. Le texte est divisé en petits bouts parce que je sais que les gens ne lisent pas quand ça apparait d'un gros bloc.

Bonne lecture, si ça vous dit.

[SPR]Le train transperçait le paysage de zone industrielle et de maisons délabrées, l’air giflant sa carcasse tagguée en sifflant une note crisante, un hymne aux coursiers des voies ferrées qui avalaient le monde d’une traite et le régurgitaient indistinct. Ce qui se trouvait derrière les vitres creusées des sillons de ceux qui avaient voulu y laisser leur marque, témoignage bien risible d’immortalité, était moins qu’un paysage. C’était un décor d’apparence de ville aux ruelles qui semblaient perpétuellement désertes, et aux maisons que pour un peu on aurait deviné vides ; simples cubes de carton-pâte devant une peinture de ciel aux nuages griseux.

Le silence régnait dans les cabines, si ce n’était la plainte gémissante du vent pourfendu, et Stéphane traversa un wagon entier sans trouver personne. Une sorte d’épave fantôme aux sièges décolorés et au revêtement du sol lissé par un usage quotidien abusif. Ce fut dans le second compartiment du RER qu’il trouva quelqu’un, un garçon de son âge distraitement avachi dos au mur, le regard perdu dans la contemplation d’usines désaffectées qui galopaient au loin.

Stéphane s’assied au milieu du compartiment, et face au garçon, car il trouvait préférable de ne pas avoir des gens dans son dos. Il détailla quelques secondes le jeune homme – jean noir serré, débardeur noir également, dessous une petite chemise vaguement bleue, des cheveux sombres qui bouclaient sur les bords et un visage absolument quelconque – puis tourna la tête pour contempler lui aussi le spectacle de trains oubliés laissés sur des voies abandonnées en se demandant pourquoi on en faisait pas quelque chose d’utile.

Et puis il entendit un rire. Il jeta un coup d’œil au garçon, qui semblait n’avoir pas bougé, si ce n’était un mince sourire retenu qui lui éclatait la bouche. Lui-même fit mine de ne rien avoir remarqué et attendit quelques instants avant de couler un nouveau regard en biais vers son compagnon de voyage.

Celui-ci le fixait franchement, et avec une tête de bienheureux qui vient de découvrir une bonne blague. Sa joie semblait si innocente que Stéphane sourit à son tour. La chose l’intrigua, il se demanda ce qu’il pouvait bien avoir qui prête à rire, et cédant à la curiosité, il se leva pour aller s’asseoir sur le siège face à l’inconnu.

Le garçon ne se départi pas de son expression vaguement moqueuse, comme s’il riait à ses dépends. Il le regarda de haut en bas, de la même manière que Stéphane l’avait observé plus discrètement quelques instants plus tôt. Comme il maintenait son silence amusé, Stéphane n’en put plus et prit la parole le premier.

__ Qu’est ce qui te fait tant rire ?

__ Quelle coïncidence, tout de même !

__ Quoi donc ?

__ Que l'on se retrouve.

__ Je ne te connais pas, dit Stéphane en fronçant les sourcils. Il pouvait assurer n'avoir jamais vu ce jeune homme de toute sa vie.

__ Alors que l'on se trouve tout court ! s'esclaffa l'inconnu.

__ C'est vrai qu'il n'y a pas grand monde, dans ce train, consenti Stéphane un peu mal à l'aise, perturbé malgré lui par le côté extraverti de son nouvel ami.

__ Oui, oui ! C'est pour ça que ça me surprend de voir quelqu'un, approuva l'autre furieusement. D'habitude il n'y a jamais personne. Personne de normal, en tout cas.

Stéphane sourit à nouveau.

__ Parce que je ne suis pas normal ?

Le garçon avait perdu sa joie et considérait Stéphane d'un oeil nouveau, comme s'il envisageait avec sérieux la possibilité qu'il ait quelque chose de particulièrement anormal. Dubitatif, il se leva et tituba quelques pas sous la vitesse du train, afin de contourner Stéphane et regarder derrière lui. Apparemment satisfait de ce qu'il avait vu, ou de ce qu'il n'avait pas vu, il retourna s'avachir à sa place.

__ Au moins tu n'es pas un mannequin, fit-il l'air rassuré. Je n'aime pas les gens trop plats.

Stéphane détourna le regard, comprenant que la conversation ne le mènerait à rien de sensé, et regarda dehors. Il y avait une ville, là-bas, immense, qui dévorait l'horizon, semblait recouvrir la Terre entière, et pourtant vide et morte. De grands HLM montaient à l'assaut des cieux, comme jadis des cathédrales, mais ils étaient d'un blanc obscure, comme si les airs monochromes avaient coulé en de larges trainées sur leurs murs, ou qu'au contraire ; la misère de leur existence avait corrompu le ciel.

Il se rendit compte de l'étrange pouvoir de la fenêtre, qui découpait le monde entre l'intérieur et l'extérieur, transformant l'un en tour d'ivoire exigüe, et l'autre en image désincarnée, en tableau mouvant sans cesse repeint. Mais alors qu'un quai de gare se dessinait sous ses yeux avant d'être aussitôt gommé de son existence, un insurmontable malaise grandit en lui.

__ Il ne marque pas l'arrêt ? demanda t-il à son voisin.

__ Ah, mon pauvre, si tu voulais descendre quelque part, tu es monté dans le mauvais train. Quelqu'un a dit un jour : "j'aimerais que ce train ne s'arrête jamais", et une autre personne a dit : "j'aimerais que ce train m'emmène au loin". Bienvenue dans le Quatrain, le train qui fonctionne à la poésie et nous conduit sans s'arrêter au loin !

__ S'il ne s'arrête jamais, comment suis-je monté ? lui opposa Stéphane, intrigué.

__ C'est une bonne question ! Tu te tenais peut être un peu trop près du bord, et alors que tu étais absorbé par le paysage, et que le Quatrain passait par là, il t'a confondu avec le souffle du vent qu'il engrange, et avec le décor qu'il pourfend ; et t'a avalé.

__ Toi, que fais-tu là ?

__ Dans le train de tous les possibles, la seule chose à faire, c'est de s'amuser ! répondit le garçon aux cheveux noirs avec malice.

Et tout devint noir. Ils avaient dû être engloutis par un tunnel et traversaient désormais ses boyaux sombres et étriqués. Les lumières clignotèrent à l'intérieur de l'habitacle avec un train de retard, et Stéphane resta quelques secondes à les contempler, alors qu'elles tentaient désespérément de s'allumer, sans y parvenir. Las, elles abandonnèrent le combat.

Ils restèrent dans le noir, plongeant dans les abysses d'un tunnel interminable. Était-ce la ville qui, furieuse de ce train qui la pénétrait de part en part sans cesse, avait ouvert grande la gueule pour les avaler une fois pour toute ? L'atmosphère était des plus lugubres, Stéphane imaginait sans peine spectres et ectoplasmes hantant les wagons abandonnés les ténèbres venus.

__ Nous ferions mieux de voir s'il y a de la lumière dans les autres compartiments, décida t-il en se levant.

__ Bonne idée, approuva l'autre qui avait perdu sa superbe et ne semblait guère rassuré. J'aime autant ne pas être là quand les fantômes des voyageurs sans tickets passeront ici pour fuir le Contrôleur.

Stéphane ne tiqua pas, préférant monter les quelques marches qui menaient à l'avant du wagon. Face à la porte de séparation des compartiments, il eu un instant de doute : et si c'était fermé ? Et s'ils étaient bloqués ici, dans le noir, pendant l'éternité ?

__ Ça arrive ! s'écria soudain le garçon aux cheveux noirs.

__ Quoi ? répliqua Stéphane en tentant de se retourner.

__ Grouille !

Et il le poussa sans ménagement contre la porte, dont il tourna la poignée.

Ils passèrent dans le wagon suivant.[/SPR]
[SPR]
La porte se ferma quelques instants avant qu'un grondement métallique fasse frémir l'air, tel un dragon d'acier essayant de broyer l'arrière du train. Le garçon se plaqua contre la porte comme s'il craignait que quelque chose ne veuille la forcer pour les suivre. Les poursuivre. Le garçon était pâle comme un ticket de métro - une couleur plutôt maladive.

__ Qu'est ce que c'était ? interrogea Stéphane dont le cœur s'était emballé trop brusquement à son goût.

__ Aucune idée ! Qui sait ce qui rôde dans ce train...

__ C'était de l'amour, intervint une voix derrière Stéphane qui se retourna en sursautant.

Une grosse dame se tenait désormais devant eux. La description de son physique, de ses vêtements, de son expression, importait en réalité peu. La seule chose qui s'imposait à l'esprit en la voyant était "grosse dame" et cette constatation s'inscrivait au fer blanc dans le cerveau sans que l'on puisse s'en débarrasser. Peut-être était-elle brune. Ou bien s'était elle fait teindre les cheveux en roux mais avec le temps la couleur avait perdu de son éclat. Ses yeux pouvaient bien être bleu, mais ils s'oubliaient tellement dans la masse de son visage qu'ils n'en demeuraient que noir, tels deux rubis trop sombres et sans brillant. Sa face tremblait comme un océan en furie, parcouru de vagues de chair et d'écume de rides. Le moindre mouvement facial provoquait un tsunami, un ouragan dont sa bouche pincée aux lèvres roses était l'œil du cyclone. On pouvait l'imaginer avec tous les vêtements que l'on voulait, sur elle ils seraient tous devenus vieillots et larges, la transformant en une montgolfière trop lourde pour décoller.

Elle avait une main sur la hanche gauche et l'autre pendant en l'air comme si elle cherchait à se donner contenance ou attirer l'attention alors que son corps emplissait déjà tout l'espace.

__ Excusez moi, que disiez-vous ? demanda poliment Stéphane, une fois remis de la tempête.
La main droite de la grosse dame s'agita, comme parcourue d'un tic nerveux.

__ Ce qui a tenté de défoncer cette porte, répondit-elle en allongeant les syllabes, c'était de l'amour. De l'amour sauvage, dépité, enfoncé dans le regret et le désespoir. Corrompu par la haine et le ressentiment. Trainant derrière lui son voile de souvenirs heureux, comme autant de boulets douloureux, et de rêves déchus, haillons ensanglantés.

D'un mouvement presque symétrique, sa main droite se baissa tandis que sa gauche s'élevait en tournoyant.

__ L'un d'entre vous sort-il tout juste d'un désastre amoureux ?

Stéphane et le garçon aux cheveux noirs se regardèrent.

__ Pas moi, en tout cas, fit ce dernier.

__ Je ne crois pas, non plus, dit à son tour Stéphane prudemment.

Il lui semblait se souvenir de quelque chose, une idée qui flottait dans son crâne comme un papillon insaisissable, et éphémère. Il tenta de mentalement l'attraper mais la brume s'évanouie avant même de l'effleurer. Elle disparue. Il jeta un coup d'œil derrière lui.

__ Est-ce dangereux ? Ça peut passer la porte ?

La grosse dame leva ses deux bras en l'air cette fois ci, adoptant l'expression sévère d'un tremblement de terre.

__ L'amour, jeune homme, ne vous quitte jamais. Si vous lui tournez le dos, alors il vous rongera lentement et douloureusement toute votre vie. Jusqu'à ce que vous éclatiez en flammes incandescentes et hurliez votre peine à la lune émeraude.

__ Au moins ici il y a de la lumière, la coupa le garçon faussement joyeux. Mais nous ne sommes toujours pas sorti du tunnel.

__ Nous n'en sortirons jamais ! rétorqua la grosse dame après l'avoir foudroyé du regard. L'humeur maussade d'un poète taciturne nous embourbe dans les ténèbres insondables de sa déprime. Le Quatrain ne peut parcourir que les espaces que l'on écrit pour lui. Ah ! que je me languis d'un poète bienheureux qui verrait la vie en rose et peignerait des tableaux de paradis.

Ses bras s'agitèrent comme des arbres secoués par le vent.

__ Nous pourrions peut-être aller voir ce poète, proposa Stéphane qui craignait lui aussi cet univers dramatique.

__ J'envie la fougue de la jeunesse, s'extasia la grosse dame. Mais faites attention à la fin.

__ La fin ?

__ Tout se termine à la fin.

__ Je m'en souviendrai, répondit poliment Stéphane. Merci pour votre aide, au revoir.

__ Adieu, corrigea la grosse dame. On ne revient jamais deux fois dans le même wagon.

En traversant le compartiment de la grosse dame ils se rendirent compte qu'il était lui aussi désert, à part son unique occupante avant leur arrivée. S'il présentait des signes d'usure similaires, certains étaient plus marqués, comme l'enfoncement prononcé des sièges. Les publicités normalement accrochées aux murs avaient été arrachées et des images découpées de magazines mises à la place. Elles représentaient de somptueux paysages, réclames d'agences de voyage, mais que la dépérissement ambiant avait déjà terni, gondolant et brunissant le papier, transformant les aperçus de paradis en souvenirs de rêves flous et défraichis.

Ils entrèrent dans le compartiment suivant.[/SPR]

[SPR]__ Quelqu'un rentre ! s'écria une personne à l'intérieur.

__ Il y a en a deux ! répondit une autre.

__ Formidable ! roucoula une femme transportée de joie.

__ Nous sommes enfin au complet ! Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, votre attention s'il vous plait.

__ Ça va commencer !

__ Comme je suis excitée...

__ Il faut dire qu'on attendait ça depuis longtemps, ronchonna un homme grognon.

__ J'ai le trac, et si je ne faisais pas les choses correctement ?

__ Mais si, tu vas voir, tout va bien se passer.

__ Faites tout de même un effort, l'espoir de plusieurs générations repose sur nous, morigéna un vieil homme dans un coin.

__ Tout le monde connait son rôle ?

__ S'il vous plait ! S'il vous plait ! Tout le monde pourra participer ! Une fois la première partie finie, nous en recommencerons une autre et vous pourrez changer de rôle si vous voulez.

__ Oh oui !

__ Ça va être sacrément amusant !

Quelqu'un pleurait, quelque part, de joie.

__ Allons, allons, un peu de tenue.

__ Qu'est ce qui se passe ici ? demanda Stéphane à son compagnon.

__ Oh non, pas de chance, un bondé, se lamenta le garçon aux cheveux noirs. Je ne sais pas s'ils nous laisserons passer, ils ont tendance à garder les gens qui entrent chez eux, prisonniers.

__ Traversons rapidement alors.

Le wagon était effectivement complètement bondé. Le moindre centimètre carré semblait occupé par un être humain ou son sac à main. Une bonne centaine de personnes était conglomérée à l'extrême à l'intérieur, pressées les unes contre les autres et une masse humaine inextricable. Les plus grands s'en sortaient en s'extirpant par le haut pour dominer la marée, mais les plus petits se perdaient dedans, asphyxiés. Stéphane essaya de se frayer un chemin en poussant comme il pouvait les gens mais cela revenait parfois à tenter de traverser un mur de gelée compacte.

__ Pardon, excusez moi, je voudrais passer, merci, dit-il en s'engageant avec appréhension.

__ Eh, poussez pas !

__ Quelle impolitesse.

__ Vous voyez bien qu'il n'y a plus de place !

__ Aaaaah !

__ Vous m'avez marché sur le pied !

__ Moi ? Mais je n'ai rien fait !

__ Vous venez de me donner un coup de coude !

__C'est faux !

__ Calmez vous, on est tous dans le même bateau, vous savez.

__ Dans le même train, corrigea quelqu'un.

Malgré les récriminations, le ton sonnait faux. Certaines personnes protestaient avec une bonne humeur qui tranchait avec les propos tenus. D'autres trépignaient d'impatience et sautillaient sur place pour apercevoir Stéphane et son compagnon fendre la foule. Il vit même une femme lui faire des appels en agitant les bras, l'incitant à venir vers elle.

__ Moi aussi je veux pouvoir insulter des gens, expliqua t-elle à sa voisine.

__ Ils repasseront, ne t'inquiètes pas. Et puis le James a dit que tout le monde pourrait s'amuser, les rôles changeront.

__ Oh, tu crois que moi aussi je pourrais être "le passager chieur qui traverse le compartiment en emmerdant les gens" une fois ?

__ Oui, bien sûr. Voir même "la connasse au téléphone qui parle trop fort dans une langue qu'on comprend pas".

__ J'ai hâte !

__ Pardon, excusez-moi, grommelait Stéphane pendant ce temps là.

Ils avaient à peine parcouru le tiers du wagon. Une jeune fille s'accrocha soudain à son bras.

__ Je sais que ça peut paraitre impertinent de ma part, fit-elle en rougissant par dessus ses mignonnes tâches de rousseur, mais je crois bien que je vous aime.

__ Euh...

__ Je vous observe depuis le début du trajet, oh je ne suis pas une perverse ou une obsédée, hihi, mais tout en vous me charme et me frapillone !

__ Vous frap...

__ La chance, se plaignait une fille plus loin. Pourquoi c'est cette pouffe qui joue "l'amante du premier regard dans le RER" ?

__ Le hasard du tirage au sort...

__ Aah, je tombe !

Bousculée par un virage serré imaginaire, une personne perdit l'équilibre et tomba à la renverse. Mais comme il n'y avait pas d'espace suffisant pour tomber, elle se contenta de s'effondrer dans les bras de son voisin qui, surpris de ce poids soudain, chuta à son tour. Le tout pris l'apparence d'un pitoyable domino humain où tout le monde renversait son voisin et personne ne parvenait à se relever faute de place, agglutinés les uns sur les autres.

Stéphane et le garçon aux cheveux noirs saisirent cette occasion pour passer dans la partie qui contenait les sièges et qui était tout aussi pleine. Les gens assis lisaient obligeamment leurs journaux et romans de gare en faisant mine d'ignorer complètement l'existence de ceux qui étaient debout, qui eux leur envoyaient fréquemment des regards noirs, tout en s'épiant mutuellement à l'affut du premier Assis qui se lèverait, et qu'alors commencerait une fantastique et éphémère partie de chaises musicales, tous se précipitant pour prendre sa place.

Décidé à jouer le jeu, un bonhomme en costume gris replia soigneusement son journal, pianota un peu sur son téléphone pour faire durer le suspens, puis se leva, tranquillement, lentement, comme un iceberg qui craque, se fend puis s'écroule dans les eaux glaciales de l'arctique. Aussitôt, la vague. Trois femmes sautèrent presque sur le siège tout juste libéré. Leurs regards se transpercèrent les uns les autres, telles une canonnade silencieuse, cherchant à déterminer si l'une d'entre elles était vieille, enceinte, ou handicapée, bref disposait d'un quelconque avantage lui offrant une priorité. Une brune aux reflets ibériques tenta bien de gonfler son ventre tandis qu'une Africaine à la coupe de cheveux improbable mimait une claudication, mais cela ne suffit pas à arrêter la parisienne décidée et expérimentée qui y posa son postérieur la première et afficha dès à présent un air satisfait plein de mesquinerie. Ses opposantes, vaincues, se redressèrent et se détournèrent du siège, feignant l'indifférence la plus parfaite afin de ne pas perdre la face.

Pendant ce temps, Stéphane était presque arrivé au bout.

__ Bravo !

__ C'était vraiment très amusant.

__ C'est déjà fini ?

__ Très joli traversage de foule, le complimenta un homme en passant.

Stéphane réussit à poser la main sur la poignée.

__ Que faites-vous ?

__ Je pars, répondit-il simplement.

__ Vous ne pouvez pas partir !

__ C'est impensable !

__ Nous ne serons pas au complet sans vous.

__ Il restera trop d'espace pour respirer, renchérit un autre.

__ Personne ne quitte le Bonde.

__ On y vit et on y meurt.

__ C'est un peu extrême non ? tempéra un homme avant de se faire assommer.

__ Empêchez les de partir ! ordonna la même voix qui avait annoncé que la partie pouvait débuter.

Il y eut alors un mouvement de foule désordonné. Les gens demeuraient coincés les uns contre les autres et la plupart étaient dans le mauvais sens, tournaient le dos à Stéphane et à son compagnon, ou bien se tenaient de profil. Ils étaient tout de même poussés par les autres mais certains croyant qu'il s'agissait encore du jeu, s'en tenaient à leur rôle de connards égocentriques et faisaient de la résistance, refusant de bouger d'un pouce et pire encore, poussant eux aussi les gens mais dans l'autre sens par pur esprit de contradiction. Il en résulta un joyeux bordel parsemé d'insultes enthousiastes et de "qu'est ce qu'on s'amuse !", qui leur permit cependant de s'échapper.[/SPR]

[SPR]__ Ah ! On tombe de panne matérielle en incident de voyageur, fit le garçon aux cheveux noirs en voyant dans quel wagon ils étaient entrés.

Tout était détruit, sale et puant. Les murs étaient plus que tagués, on aurait dit que quelqu'un les avait gratté, voir défoncé pour connaitre ce qu'il y avait derrière. Sans rien trouver de particulièrement passionnant, si ce n'étaient les fils électriques dont certains avaient été coupés. La lumière clignotait par intermittence, quand il y avait encore des ampoules. Le sol était jonché de détritus, journaux moisis, gobelets de café et bouts de chaussure.

Il y avait des marques par terre. Des marques noires, comme des traces que quelqu'un aurait laissées en se consumant, tandis que ses cendres s'incrustaient au revêtement. Stéphane préférait ne pas savoir ce qu'il était arrivé ici.

Et il y avait des gens. Une poignée, fantômes d'humains, résidus d'individus, corps décharnés, bouche grande ouverte sur le néant et yeux vastes et béants. Ils portaient des loques dont le sale se confondait avec leur peau sur laquelle se formait des croutes de crasse, telle une armure. Leurs longs doigts squelettiques faisaient penser à des araignées brunes greffées au poignet.

Pourtant, malgré leur aspect repoussant, ils ne semblaient pas hostiles ou menaçants. Humbles et effrayés eux mêmes, ils ne savaient pas s'ils pouvaient oser s'approcher des deux inconnus, ces jeunes hommes grands, beaux, bien vêtus et en bonne santé.

__ On ferait mieux de pas s'attarder, fit le garçon aux cheveux noirs.

Une parodie de femme fit quelques pas hésitants dans leur direction, tendant vers eux des mains jointes pour former un bol.

__ S'il vous plait, donnez, donnez, pour vivre, balbutia t-elle d'une façon pitoyable.

__ Que voulez-vous ? demanda Stéphane sans pouvoir réfréner son dégoût.

__ Un sentiment... donnez un sentiment...

__ Je ne peux pas vous donner ça, protesta Stéphane.

__ Partons, fit l'autre en le tirant par la manche.

Un mendiant s'interposa, suppliant.

__ Une pensée... juste une pensée alors.

Une petite gamine le rejoint et s'effondra à leurs pieds, le regard larmoyant.

__ Un rêve ! Je sais pas ce que c'est ! Dites, un rêve !

Bientôt ils furent une dizaine à les entourer, leur titiller les vêtements, marmonnant leurs suppliques de leurs yeux vides de tout, emplis de rien. Stéphane avait peur qu'ils ne deviennent violents et prennent par la force ce qu'ils ne pouvaient avoir par l'insistance. Pensée que partageait visiblement son compagnon, de plus en plus terrifié.

__ Un souvenir, pleurnicha une femme décharnée. Un petit bout de souvenir.

__ Un souvenir ? répété bêtement Stéphane, soudain choqué par quelque chose qu'il ne pouvait expliquer.

Un souvenir. Des souvenirs, il n'en avait pas. Il ne parvenait pas à remonter plus loin qu'une heure plus tôt, quand il vagabondait dans les couloirs du train. Avait-il déjà rencontré des mendiants dans un autre compartiment ? Leur avait-il donné tous ses souvenirs ? Ses souvenirs malheureux afin d'être heureux, et ses souvenirs heureux afin de ne pas regretter ? Qu'avait-il bien pu jeter négligemment en pâture à ceux qui n'avaient rien ? Qu'était-il lui même devenu ?

__ Bouge toi, cria son compagnon en le secouant pour le tirer de sa torpeur. Ils t'aspirent ou quoi ?

Stéphane regarda autour de lui. Tous les mendiants avaient la bouche grande ouverte comme s'ils s'apprêtaient à l'avaler tout cru. Son sang ne fit qu'un tour. Entrainé par son ami, il trébucha autant qu'il couru vers le fond du compartiment.

__ Donne, donne ! gronda une créature derrière lui. Ton âme !

Il donna un coup de pied désespéré à celle qui s'accrochait à son mollet. Son crâne se brisa comme un oeuf et elle poussa un gémissement caverneux. De l'air s'échappait de la blessure dans un sifflement aigu. Pas de sang. La mendiante éructa des bulles nauséeuses. On aurait dit que son corps était fait en savon.

__ Donne, ton corps, baragouina t-elle.

Désespéré, Stéphane fouilla dans ses poches à la recherche de quelque chose à leur donner. Il trouva plusieurs billets et des pièces, qu'il jeta hors de leur chemin.

__ Tenez ! cria t-il tandis que les mendiants suivaient d'un air presque comique des yeux le mouvement des pièces dans l'air.

__ Que faire, argent ? grommela l'un d'eux. Donne nous, ton avenir.

__ Non ! Mais vous voulez un sentiment ? Alors prenez la, ma peur de vous! Je suis terrifié, alors prenez la, ma terreur ! Faites-en ce que vous voulez !

Et aussitôt il sentit quelque chose le quitter. Il en eut le souffle coupé. Les mendiants s'étaient arrêtés et le contemplaient avec effroi et stupeur. Le monde sembla durant un instant cesser de tourner, ou plutôt, le train d'avancer. Et puis leurs yeux s'agrandirent, encore et encore. Leur bouche se tordit tandis qu'une langue noire s'en extirpait et s'agitait sur leurs lèvres.

Et ils crièrent. se griffèrent les joues. Se regardèrent et hurlèrent de plus belle. Affolés comme des bêtes idiotes ils se mirent à courir dans tous les sens, hurlant dès qu'ils voyaient l'un d'entre eux, voir leur propre reflet dans une vitre râpée.

__ Ils ont peur. Ils ont peur d'eux mêmes ! s'exclama le garçon aux cheveux noirs en éclatant de rire.

__ Moi je n'ai plus peur, dit Stéphane qui se sentait plus apaisé qu'il ne l'avait jamais été.

Il voyait ces misérables comme ils l'étaient, maintenant. De pauvres êtres qui ne possédaient rien, pas même l'espoir, pas même le bonheur. Il aurait voulu le leur donner mais il ne voulait pas finir comme eux. Sans doute que les gens trop généreux qui donnaient tout leur être, tout ce qu'ils étaient, à ceux qui n'avaient rien, finissaient comme eux. Jusqu'à ce que quelqu'un les aide en retour.

Il se dit qu'il avait été bien cruel de leur donner sa peur. Mais voilà, c'était fait, et il ne pouvait pas revenir en arrière. Dans le train de l'impossible, on ne pouvait aller que de l'avant.[/SPR]

[SPR]Dans le wagon suivant, ils trouvèrent un arbre.

C'était le rejeton d'un pot de fleurs éclaté, dont les tessons d'argile parsemaient encore le sol ci et là. Ses racines avaient brisé sa prison et sa ramure avait grandi jusqu'à défoncer le toit. Ses branches avaient depuis longtemps vaincu le vitrage et s'épanouissaient dehors. Des cycles de feuilles mortes recouvraient le sol en moisissant, préparant une nouvelle terre pour les prochaines générations d'arbuste. Son écorce était blanche et toute frisée, telles les rides d'un vieillard.

La vue de l'arbre était à la fois reposante, bastion de nature dans un serpent d'acier et de plastique, et dérangeante, anormalité sauvage dans un monde ordonné et mécanique.

__ Fais attention, le prévint le garçon aux cheveux noirs en chuchotant, c'est un arbre mangeur de lézards.

__ Je n'ai rien à craindre, je ne suis pas un lézard.

__ Cet arbre n'a sans doute jamais vu un lézard de sa vie, il ne fera probablement pas la différence entre un reptile et un humain.

Cela semblait tomber sous le sens. Mais il voyait mal comment progresser alors que l'arbre leur barrait la route. Comment le convaincre qu'ils n'étaient pas des lézards ? Il y avait quelque chose d'étrange... qui brillait...

Des ectoplasmes ! Fantômes des victimes de l'arbre mangeur de lézards ? Ils semblaient apeurés, jetaient des coups d'oeils discrets de derrière le tronc, dans leur direction. A bien y regarder, ils n'avaient rien d'anormal, juste des individus fluorescents. Bon, ce n'était pas très normal.

Cling Cling Cling.

__ Eh, tu as vu ? des fantômes !

Mais il y avait quelque chose d'autre. Une présence soudaine, puissante et terrifiante. Stéphane ne prêta pas attention aux paroles de son ami, car cette sensation troublante ne provenait pas des fantômes, ni même de l'arbre.

Cling Cling Cling.

Et un tremblement. Quelque chose d'effroyable approchait. Ça venait d'en haut, de l'étage du RER en parti défoncé par l'arbre. Il y avait une ombre là haut, qui couvrait tout l'espace, engloutissant la lumière, dévorant tout espoir. Un monstre bleu à la tête difforme et aux mains carrées comme des boites à chaussures.

__ Votre titre de transport s'il vous plait, dit-il d'une voix aussi douce que tranchante.

Un gémissement plaintif et aigu fut sa seule réponse. Une petite lumière s'éteignit. Un fantôme s'était fait attrapé par le monstre.

__ Vous avez perdu votre ticket ? Que faites vous encore dans le train alors ? Nous ne pouvons pas accepter les clandestins.

Les spectres à côté de l'arbre s'agitèrent et certains s'enfuirent. Au dessus d'eux, sans leur prêter attention, sans les voir, l'ombre du Contrôleur s'abattait sur sa victime.

__ La sanction pour voyager sans titre de transport valide, gronda t-il comme un parent mécontent, est une amende. Une amende de cinquante années de votre vie. Payable immédiatement.

Cling cling.

Le fantôme avait disparu dans un hurlement de banshee. Et puis, lentement, le Contrôleur se tourna vers Stéphane, le toisant deux mètres plus loin et un mètre plus haut que lui. Ses yeux emplis d'une passion toute administrative scintillèrent de plaisir anticipé.

__ Votre titre de transport s'il vous plait.

Encore une fois le garçon attrapa Stéphane par la manche et l'entraina avec lui.

__ Cours ! cria t-il.

Mais il n'y avait qu'une seule issue. L'arbre. Il paraissait si inoffensif. Ce n'était qu'un arbre. Comment pouvait-il bien dévorer des êtres humains ? Les fantômes restant s'éparpillèrent en piaillant comme des oiseaux. Ils fuyaient. Le Contrôleur reprenait sa traque.

Et le feuillage si tranquille de l'arbre s'anima. Les branches s'écartèrent, ployèrent de gauche à droite, et s'ouvrirent soudain, dévoilant une impressionnante dentition à base de feuilles coupantes comme l'acier. Elles se refermèrent en direction du sol, tentant d'avaler Stéphane qui bondit en avant et se ramassa sur lui même pour l'éviter. Il continua de courir mais trébucha sur une racine. A quatre pattes il eut l'occasion de voir l'ombre du Contrôleur qui se rapprochait, sans se presser, sûr que les clandestins n'avaient nulle part où fuir, ainsi que le ramage d'acier qui se déployait au dessus de lui, prêt à l'engloutir.

__ Courir, toujours, murmura t-il calmement, car il n'avait plus peur de rien, pourquoi toujours courir ?

__ Courir, c'est la liberté ! s'exclama son ami en le remettant sur pieds et le trainant presque avec lui.

Libre ! Pouvait on être libre dans un train linéaire où vous ne pouviez qu'avancer ? Jamais reculer, jamais en sortir ? Pourtant il courait. Vers l'avant. Il vit l'arbre combattre le Contrôleur. Celui-ci lui enfonçait sa machine à composter les billets, tentant de lui arracher l'écorce, tandis que l'arbre le lacérait sans relâche. Une de ses branches brisa une ampoule et pénétra le circuit électrique, provoquant des étincelles qui enflammèrent le bois. Voyant cela, le Contrôleur entra dans une colère noire.

__ Nous vous rappelons qu'il est interdit de fumer dans l'enceinte de la gare !

Il saisit le tronc à deux mains, désirant le briser comme une brindille. Son visage était rougie par l'effort physique, il transpirait abondamment, ses yeux étaient plein de vaisseaux éclatés et son armure bleue était fracassée en de nombreux endroits. L'arbre désirait sa mort mais était affolé par les flammes qui le consumaient. Et dans un craquement sinistre, son tronc éclata.

Un sifflement grésilla par la brèche dans le bois, tandis que l'âme de l'arbre s'en échappait en hurlant sa douleur et le désespoir de son échec à triompher de cet impitoyable lézard.

Ne prenant pas le temps de souffler, le Contrôleur reprit sa poursuite des clandestins, d'un pas plus déterminé cette fois. Le feu avait gagné ses vêtements mais il ne s'en souciait pas. Il ressemblait à un démon tout juste extirpé des enfers. Rien n'arrêterait sa marche glorieuse vers la Justice. Il n'avait qu'à allonger le bras pour saisir un fantôme terrifié, puis il le mangeait sans procès.

C'était bientôt le tour de Stéphane. La porte suivante, coincée par des racines, ne voulait pas s'ouvrir. Le garçon aux cheveux noirs faisait son possible pour l'ouvrir, lui qui ressentait la peur et pouvait s'en servir comme énergie pour forcer et forcer encore, ce portail vers la liberté. Mais Stéphane regardait la mort s'approcher avec détachement. De la peur, non. Du regret, oui, même s'il n'arrivait pas à se souvenir de quoi exactement.

Quelque chose explosa derrière le Contrôleur et une pieuvre de brume se jeta sur lui. Stéphane n'aurait pu décrire cette nouvelle créature, qui dépassait son entendement. Elle était à la fois belle et terrible. Milles couleurs vouvoyaient dans sa substance aérienne, mais bien souvent elles étaient ternies et grisâtres. Ses tentacules enserrèrent le torse du Contrôleur qui gronda son dépit et son mécontentement.

Il y eut un claquement sonore qui leur perça les tympans lorsque les flammes embrassèrent la pieuvre de brume. Elle ne sembla pas souffrir, mais au contraire en fut renforcée. Stéphane crut même voir des yeux, une forme humaine parmi cet ectoplasme nuageux, l'espace d'un instant. Puis le cadavre de l'arbre consumé se brisa en deux et s'écrasa sur les deux adversaires.

__ Pas de temps à perdre, s'écria son compagnon qui avait réussi à briser les racines et ouvrir la porte.

Ils passèrent de l'autre côté en sachant que cela n'empêcherait pas le Contrôleur de les suivre - ou cette chose.[/SPR]
[SPR]
__ Quelle tenue négligée.

Stéphane soupira. Ils n'étaient jamais tranquilles. Il y avait toujours quelque chose qui les attendait derrière la porte. Même pas le temps de souffler. Parviendraient-ils seulement en vie jusqu'au poète qui devait se trouver tout à l'avant du train, clamant ses vers obscures pour le faire avancer ? Il releva la tête pour faire face aux occupants de ce wagon là. Il ne fut pas surpris de se retrouver devant une dizaine de mannequins qui prenaient la pose comme à un défilé.

Certains étaient effectivement plats, simples planches de carton découpé en forme humaine, photo grandeur nature de top model à la gueule d'ange et à la silhouette parfaite, vêtus de ce qui était forcément la mode, puisque c'était eux qui le portaient. Ils étaient de ces gens sur qui n'importe quel vêtement, même le plus ridicule, allait parfaitement. Leur plus bel appareil, ils le portaient tout le temps : c'était leur corps, leur beauté superbe, cette aura de classe qu'ils dégageaient sans effort. Ils transformaient les ensembles de tissus les plus hideux sur le commun en la plus belle des parures.

Ils étaient les dieux d'un monde standardisé, dont les expressions elles mêmes étaient prêtes à porter. Tous n'étaient pas plats, d'autres étaient des statues de plastique à la tête sans regard figée dans un mouvement inerte. Leurs bras n'avaient qu'une seule articulation, à l'épaule et leurs mains ne pouvaient se fermer. Ils titubaient comme des zombis plus qu'ils n'avançaient, ce qui les rendait pitoyables et pourtant, toujours cette impression persistante dans l'esprit, ce désir de leur ressembler, d'être comme eux, si bien, si parfait...

__ Vous ne pourrez pas aller à la fête habillés comme ça, reprit un plat aux yeux bleu rêveurs, à l'impeccable coupe de cheveux, au sourire de pub de dentifrice et vêtu d'un costume noir Emporio Armani.

__ Nous ne voulons aller à aucune fête, rétorqua le garçon aux cheveux noirs, visiblement mal à l'aise en leur présence.

__ Vous remontez, n'est-ce pas ? demanda un mannequin hipster qui parvenait à avoir l'air arrogant malgré son absence de visage

__ Nous désirons aller à l'avant du train, en effet, confirma Stéphane.

__ Tout le monde avance.

__ On ne peut pas reculer.

__ Autant progresser avec classe.

__ Le style c'est important. Quelle marque laisse t-on dans les esprits, sans style ?

__ Qui sommes nous, sans classe ? Des coquilles vides, sans personnalité, sans intérêt.

Stéphane n'était pas vraiment d'accord. Il lui semblait au contraire que ces gens avaient sacrifié leur personnalité pour se conformer à la mode et aux normes vestimentaires. Ils étaient tributaires des courants et devaient se plier sans cesse à ce que les autres faisaient pour ne pas se sentir exclus. Pire que cela, ils s'étaient transformés en publicité ambulante pour les marques qu'ils portaient. Ils étaient autant clients que produits. Ne se vendaient-ils pas plus qu'ils achetaient ? Mais Stéphane ne dit rien de tout cela, il ne tenait pas à s'aliéner ces personnes, qui avaient continué à discourir entre eux sans se soucier d'avoir son attention, comme si elles cherchaient à s'auto-convaincre de la justesse de leur mode de vie.

__ Y-a t-il un moyen d'arriver directement au bout du train ? finit-il par demander en les coupant dans leur monologue.

__ Quelle drôle d'idée.

__ Il faut passer par chaque wagon avant de parvenir à la fin. Sinon, quel serait le sens de tout ça ?

__ Et quel est-il ? interrogea Stéphane avec curiosité.

__ Ça, c'est à vous de voir, trancha le plat avec brutalité.

__ Il faudra quand même passer par la fête.

__ Alors, vous vous habillez ? insista l'autre.

Stéphane échangea un regard avec le garçon aux cheveux noirs. Avec sa chemise, son débardeur et son jean, il avait indubitablement une allure cool et relâchée, décontractée, comme si choisir avec attention ses vêtements le matin n'était clairement pas sa priorité. Stéphane, quant à lui... eh bien, il ne se souvenait même plus comment il était habillé. Portait-il seulement quelque chose ? Cela semblait presque sans importance. Ou bien n'avait-il pas eu besoin de porter quoi que ce soit jusqu'à maintenant ?

__ C'est ton choix, confirma son ami avec gravité. C'est le moment de décider qui tu veux être.

__ Qui je veux être ? Mais comment le saurais-je ? J'ai donné ma peur, j'ai perdu mes souvenirs, je veux rencontrer le poète pour quitter ce tunnel de ténèbres et on semble poursuivi par un monstre impossible... Qui je veux être ? Je n'en sais rien ! Je veux en savoir plus sur moi-même, aller jusqu'au bout, être apaisé...

__ Et tu veux être comme eux ? demanda le garçon aux cheveux noirs en désignant les mannequins de la tête.

__ Non, pas vraiment, murmura Stéphane qui ne voulait pas les offusquer mais ils ne semblèrent pas le prendre mal, si tant est qu'ils puissent éprouver des émotions.

__ Ou comme ces gens dans le Bonde, qui jouent un rôle ?

__ Non, ça ne me semble pas la vie rêvée... Je... je crois que je préférerais être comme toi. Libre, rêveur et voyageur.

Son ami éclata de rire.

__ Je savais bien que l'on s'était déjà vu quelque part. Au final, on est pareil !

__ Je ne connais même pas ton nom, dit Stéphane en souriant.

__ Les noms, les noms, qu'est ce que c'est restrictif les noms ! fit le garçon aux cheveux noirs. Mais je pense que le sais, comment je m'appelle.

Stéphane pencha la tête sur le coté et réfléchit. Il détailla d'un regard neuf son compagnon et finit par esquisser un nouveau sourire.

__ Oui, je crois que je le sais.

__ La fête va bientôt commencer, intervint un plat.

__ Commencer ? Elle ne se termine jamais, le contredit un mannequin en bikini.

Tandis qu'ils se dirigeaient tous vers le compartiment suivant en titubant, sautillant ou glissant, Stéphane se tourna quant à lui vers la porte d'où il venait. Il n'avait pas peur, il ressentait juste une certaine appréhension.

__ Qui a gagné, à ton avis ? demanda t-il à son ami.

__ Personne n'a jamais vaincu le Contrôleur. Mais j'ai aucune fichue idée de ce qu'était l'autre truc qui l'a attaqué. Peut-être qu'ils vont tous les deux mourir, ou être trop blessés pour continuer de remonter le train.

Ils rejoignirent la fête. Elle se tenait ni plus ni moins que sur deux wagons entiers et semblait durer depuis l'éternité. Sans pouvoir rien y faire, ils se laissèrent entrainés par la musique, portés par la danse. La fête s'emparait d'eux et faisait mouvoir leur corps, impossible d'y résister. Ils devaient danser, virevolter en cadence, en harmonie avec tous les autres danseurs, ils ne feraient bientôt plus seulement partie de la fête, ils deviendraient la fête.

Stéphane tentait de résister à l'appel des boissons alignées sur les rares sièges qui restaient en place, les autres ayant été déboulonnés pour laisser plus d'espace. Mais il se sentait obligé de boire comme il devait bouger dans tous les sens, s'agiter tel un pantin névrotique. Où étaient les fils ? Comment se libérer ?

Il chercha son compagnon de voyage du regard dans la foule mouvante et parmi les projections de lumière colorée. Il y avait là des mannequins, en plastique et en carton, des gens si inconsistants qu'ils en étaient transparents et laissaient voir leurs organes intérieurs, ombres spongieuses rachitiques, et puis mille personnes exaltées qui se trémoussaient comme si c'était la fin du monde. Certains s'écroulaient parfois, exténués, et étaient piétinés jusqu'à ce qu'il ne reste d'eux qu'un tapis de poussière, vite soulevée par les pas enthousiastes, et qui retombait en une pluie étincelante. Les gens n'étaient pas impitoyables, juste indifférents au sort des autres. Seul leur bonheur personnel, leur amusement du moment leur importait.

Stéphane marcha sur quelque chose qui craqua sous sa chaussure. Il préféra ne pas baisser les yeux pour voir ce que c'était. Il sentit un courant d'air. La poussière finissait par être aspirée pour dégager la piste. La fête s'engloutissait surement, elle qui n'avait pas de bouche pour manger, seulement ses conduits de ventilation étroits et grillagés. Il compris que la musique, les lumières et les boissons n'étaient que des appâts pour attirer les victimes et les retenir dans son antre. Il toussa. La poussière des morts pénétrait dans ses narines et ses poumons. Il se sentit plus léger, plus guilleret. Son esprit fut soudain lourd et il répugna à continuer de réfléchir, c'était si fatiguant et embarrassant, ça ne menait à rien, mieux valait danser, boire et danser, jusqu'à la fin de l'éternité !

Quelqu'un le secouait. Quelle drôle de façon de danser !

__ Ressaisis toi ! Et ne respire pas cette merde !

C'était le garçon aux cheveux noirs. Forcément. Toujours lui. Stéphane eut brusquement le souffle coupé. Son ami venait de lui enfoncer le poing dans le ventre. Tout l'air vida ses poumons et il toussa de plus bel. Son esprit s'éclaircit un peu.

__ La poudre est comme de la drogue, retiens toi d'en absorber. Partons d'ici !

Mais Stéphane avait du mal à s'empêcher de danser, à retenir son bras qui se tendait vers les boissons, à vouloir partir d'ici alors qu'il y était si bien...

__ Comment... comment arrives tu... bredouilla t-il avec effort, complètement groggy.

__ Je suis la liberté, tu te souviens ? On ne peut me rien m'obliger de faire.

__ Tu as tort, on peut enfermer la liberté, grogna Stéphane en se massant les tempes pour contrer le puissant mal de tête qui lui vrillait la cervelle.

__ Le secret, c'est de courir. Toujours avancer, foncer vers la liberté.

__ La fuite ? C'est la liberté ? La fuite.

__ Je ne fuis pas ce qu'il y a derrière moi, je tends les bras à ce qu'il y a devant.

Stéphane lâcha un petit rire de dérision.

__ Ce qu'il y a devant est rarement meilleur que ce qui nous poursuit.

__ Mais il faut croire en l'avenir, Stéphane.

Il tiqua à cette phrase. Il ne lui avait jamais dit son prénom, alors comment le connaissait-il ? Ou bien il le lui avait dit ? Il ne s'en souvenait plus. Tout était si confus... Il se laissa guider à travers les danseurs épileptiques, espérant seulement que le prochain wagon soit calme, que personne n'essaie de leur faire du mal, qu'ils puissent se reposer, voir qu'ils soient enfin parvenus au bout, au poète maussade...

__ Avez-vous un titre de transport en cours de validité, s'il vous plait ? grinça une voix désincarnée.

Ils se retournèrent, surpris pour Stéphane, terrifié pour le garçon aux cheveux noirs. Une odeur de brulé leur monta aux narines et ils frémirent de dégout. Grésillant, passablement cramé et en colère, se trouvait le Contrôleur, qui jamais ne laissait fuir sa proie. Il était plus effrayant que jamais. Sa poitrine était enfoncée et laissait saillir des côtes brisées et pointues. Il lui manquait le bras droit, rongé par quelque corrosif jusqu'à l'épaule tandis que les trois quarts de son visage avaient fondu, dévoilant un crâne jauni en papier mâché et des yeux rouges psychotiques. Il boitait, une de ses jambes était tordue et son uniforme était en lambeaux fumants. Des tickets de métro coulaient de ses blessures et s'effritaient une fois à l'air libre, se mêlant aux poussières de cadavre des danseurs morts. Une brume fantomatique tentait elle aussi de suinter hors de ce corps abjecte, sans y parvenir.

Il ne se souciait absolument pas des fêtards, reportant résolument son attention toute entière sur Stéphane, avec la hargne d'une harpie. Sa main gauche tenait fermement sa machine à composter les billets, bien qu'elle soit en grande partie en miettes. Un bout de branche était encore coincé dedans.

__ Je crois que c'est le moment de conquérir sa liberté ! lâcha le garçon aux cheveux noirs.

__ Attend ! S'il nous poursuit jusqu'au bout qu'arrivera t-il au bout du train ? Quand nous ne pourrons plus avancer, ni reculer ?

__ Alors ce sera la fin ! On ne peut rien faire contre la fin ! Mais on ne peut rien non plus contre le Contrôleur ! Alors vient !

Ils s'enfuirent une fois encore, bousculant au passage les danseurs qui ne semblaient pas le remarquer. Le Contrôleur progressait plus lentement, pesamment, avec la dignité d'une montagne qui s'écroule. Ses orbites fixaient Stéphane sans jamais ciller.

Alors la fête s'emballa. Elle avait besoin de se nourrir, personne ne quittait la fête, il fallait y rester, y rester pour l'éternité, se mêler à elle, et les fêtards le savaient, ils avaient compris, ils avaient vu les cadavres disparaitre, mais ils s'en fichaient, mieux que cela, ils en étaient heureux, ils sautaient sur place en rythme avec la musique, ils voulaient s'amuser, s'amuser et s'amuser encore et puis mourir mais jamais la fête ne cesserait et ils deviendraient la fête, il n'y avait pas de plus beau destin que cela, pourquoi se soucier des contraintes de la vie, douloureuse et lourde à supporter ? Même le Contrôleur les laissait tranquille. Il ne voyait pas les fêtards. Ils vivaient dans un autre univers où les règles n'avaient plus cours, seul le bon temps importait et le Contrôleur en était complètement étranger. La fête ne fit rien contre lui, le laissant traverser son royaume, sachant que ce conglomérat nauséeux de règlements et de directives administratives serait indigeste.

Mais elle ne pouvait tolérer que de bons danseurs s'en aillent ailleurs. Ailleurs, ça n'existait plus. Il n'y avait qu'ici, il n'y avait qu'elle.

__ La fête se réveille, cria Stéphane alors que les spots commençaient à le suivre au lieu de tourner au hasard et que les gens le regardaient tout en se trémoussant comme des arbres ployant sous la tempête.

__ Elle ne nous laissera pas partir ! s'inquiéta le garçon aux cheveux noirs, désespéré. Pourquoi veulent-ils toujours que l'on reste dans des wagons, dans des cases ! Je ne voulais pas rester seul dans ma cabine, je voulais découvrir le monde, mais le monde que je découvre, il est abjecte ! Où est la place pour la liberté ?

Stéphane ressentait le désespoir de son ami au plus profond de son cœur, et le comprenait. Mais ce n'était pas le moment de s'en plaindre ! Il leur restait quatre mètres à parcourir pour atteindre la porte et sortir d'ici, mais cela semblait si loin ! Et les fêtards faisaient blocs contre eux. Et le Contrôleur, malgré sa marche tranquille, se rapprochait.

Mais quelque chose le tiraillait. Il grimaçait horriblement. La douleur de ses atroces blessures peut être. La brume qui filtrait de certaines d'entre elles semblait cependant plus compacte et importante qu'à son entrée dans le wagon. Etait-il possible qu'il ait avalé la pieuvre et que celle-ci ait survécu, tente de s'échapper ? Le Contrôleur s'arrêta brusquement, portant sa main valide son ventre déformé, comme s'il voulait remettre la vapeur colorée dans son corps. Mais dans un sursaut, il s'en extirpa encore plus et des fissures se propagèrent sur le corps du Contrôleur qui hurla sa rage face à cet ennemi qu'il ne parvenait pas à vaincre.

Il explosa comme un œuf. La pieuvre, grandiose, resplendissante, s'éleva dans le compartiment et pourfendit les fêtards abrutis et goguenards. Elle creusa un chemin jusqu'à la sortie. Stéphane en était désormais sûr : c'était une alliée ! Quoi qu'elle fut ! Il se précipita vers la porte et la maintient ouverte cette fois ci pour que la pieuvre s'engouffre avec eux. Puis il la ferma, laissant derrière eux la fête dévoreuse.[/SPR]

[SPR]__ Pourquoi tu as laissé ce truc passer ! Il va nous tuer ! protesta le garçon aux cheveux noirs d'un air affolé.

__ Non, c'est une amie, je crois, fit Stéphane en regardant la chose qui voletait autour de lui. Nous devrions être proches de la fin, maintenant. Allons redonner la joie à ce poète.

Le wagon était désert et délabré. Ils passèrent au suivant, où se trouvait effectivement un homme, effondré parmi des milliers de feuilles qui formaient comme un océan blanc autour de lui, prêt à l'y noyer. Il griffonnait dessus, marmottait tout seul, et puis parfois, prenait un papier délicatement, le portant avec religiosité jusqu'à la bouche d'un âtre brulant, où il lisait soigneusement ce qui était écrit, avant de l'y jeter.

"La nuit tiède est clémente à la ville qui dort ;
Des lys impérieux triomphent dans la chambre
Et cependant nos cœurs sont froids comme Décembre
Et nos baisers d'amour amers comme la mort.

Ta douce bouche s'ouvre à des chansons mièvres
Et tes seins bienveillants accueillent mon front las ;
Mais, ô ma douloureuse enfant, je ne sais pas
Pourquoi les dieux mauvais empoisonnent nos lèvres.

Qu'importe ? viens vers moi, triste sœur ; aimons-nous,
Sans craindre la saveur glorieuse des larmes,
Tels des héros blessés avec leurs propres armes
Et dont le glaive d'or a rompu les genoux.

Viens ! nous aurons l'orgueil des âmes taciturnes
En cette chambre morne et veuve de flambeaux,
Où, semblable à l'odeur des antiques tombeaux,
Un parfum sépulcral monte des lys nocturnes."

Il se tint quelques instants devant son poème qui s'enflammait, fournissant son carburant au quatrain pour aller encore plus loin, toujours plus loin, puis sembla enfin remarquer leur présence. Il se tourna vers eux, leur adressant un regard désolé.

C'était un homme à la quarantaine, au visage plissé par les rides, les yeux pochés par la fatigue et surmontés de sourcils grisâtres tombant de chaque côté. Ses cheveux épars ne permettaient pas de dire s'il était en partie chauve ou juste très mal coiffé. Sa veste en tweed verte s'effilochaient. Certains fils trainaient par terre, tel un fantôme de cape.

__ C'était... un bon poème, fit le garçon aux cheveux noirs pour rompre le silence pesant.

__ Ce n'est même pas de moi, dit le poète d'un ton triste. C'est de Pierre Quillard. Mais je suis à court de vers, alors je pioche dans ceux que je connais.

__ Pourriez vous versifier quelque chose de plus joyeux ? proposa Stéphane. Le Quatrain se nourrit de votre morosité et vos poèmes morbides semblent corrompre jusqu'aux occupants des wagons, qui en deviennent agressifs et homicides.

Le poète posa sur lui ses yeux voilés par la lassitude et le regret.

__ Vraiment ? Cela ne m'avait pas traversé l'esprit. Au début j'écrivais l'amour, et je portais le train vers les plus belles contrées. Et puis l'amour m'a quitté, et j'ai perdu mon cœur, quelque part. J'ai oublié où j'avais bien pu le mettre. A la place s'est aggloméré tout le désespoir d'un être vide de bonheur.

__ L'amour... répéta Stéphane lentement avant de se tourner vers la pieuvre iridescente. Ce n'est pas elle, votre amour ?

Le poète la contempla en se frottant le nez, perplexe.

__ Non... non. Mon amour... c'était autre chose. Comme un nuage, un long nuage qui s'épanoui avant l'aurore.

__ Alors... c'est le mien, comprit enfin Stéphane alors que ça lui paraissait désormais évident.

La pieuvre se rapprocha de lui, trainant derrière elle son voile de souvenirs heureux et de rêves déchus. Un des tentacules colorés l'effleura, et il se souvint. Tout lui revint. Une larme se forma au coin des yeux.

__ Je me rappelle, je me rappelle de tout maintenant, fit-il la gorge nouée. Nous avons pris ce train ensemble. Je t'aimais et... être avec toi était tellement formidable, tellement bon, que j'ai souhaité que jamais le train ne s'arrête. Et puis je t'ai oublié, mais comment ais-je pu t'oublier ?

Il rigolait autant qu'il pleurait, embarrassé autant qu'heureux. La brume avait pris forme humaine, une grande dame à la robe vaporeuse, à la peau comme un coucher de soleil et aux yeux étoilés. Stéphane voulu lui toucher la joue mais ne sentit rien. Il sanglota un peu.

__ C'est la fin, n'est ce pas ? Et à la fin, tout se termine.[/SPR]
 

DeletedUser32818

Guest
Très beau texte, je suis étonné que personne ne l'ait encore commenté...
Merci pour ce moment de lecture et de réflexion.
 

DeletedUser

Guest
Il y a une règle sur Grepolis qui fait que si un texte dépasse une page word, personne ne le lit.

Merci de l'avoir lu et commenté ^^
 

DeletedUser38966

Guest
Et bien, si tu dis que ceci représente la vie, je tâcherais de m'en rappeler. Enfin, il est si dur de commenter un texte pareil. S'il n'y avait pas tant de codes, je dirais que c'est un poème. Réflexion, réflexion, je vais tenter, mais il me faudra me rappeler de tout pour cela. En attendant, si cela m'a pris 3 jours, je ne les regrette pas.
 

DeletedUser2461

Guest
C'est un texte bien écrit, Ombre.
J'ai surtout apprécié la manière dont tu as défini les caractères des personnes rassemblées dans le wagon bondé. C'est assez réaliste en fait ^^

Toutefois, il y a une réplique que je ne trouve pas logique ; la voici :

__ Oui, oui ! C'est pour ça que ça me surprend de voir quelqu'un, approuva l'autre furieusement. D'habitude il n'y a jamais personne. Personne de normal, en tout cas.

Stéphane sourit à nouveau.

__ Parce que je ne suis pas normal ?

A la place de Stéphane, je comprendrais plutôt que je suis un personnage normal et non le contraire.

En principe, le lecteur doit comprendre que d'habitude, il n'y a jamais de personne normale... c'est à dire qu'il y a souvent des gens pas normaux. Or, c'est justement la raison qui explique que le voyageur soit surpris de voir Séphane... parce qu'il semble normal.

Et toi, tu fais répliquer à Stéphane : "Parce que je ne suis pas normal ?"
Stéphane a tout compris de travers.

Mais c'est une attitude réaliste tout de même. Je dis cela car j'ai souvent constaté de la part de certaines personnes le fait de ne pas correctement interpréter les remarques qu'on leur faisait... celles qui sont un peu paranos y voient souvent le contraire de ce qu'on voulait justement leur dire... tu me suis ?

Bref, en tout cas, ton texte est bien écrit et l'histoire n'est pas mal non plus.
 
Dernière édition par un modérateur:

DeletedUser

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J'avais remarqué cette erreur en effet, mais je ne l'ai pas corrigée parce qu'il me fallait un moyen de tourner la conversation vers la normalité. Enfin j'aurais pu trouver quelque chose. Disons que ton analyse est parfaitement correcte et que Stéphane a juste tout compris de travers.

Merci à vous deux et heureux que cela t'ait fait réfléchir, 515.
 

DeletedUser42533

Guest
Bonjour,
la discussion étant inactive depuis plus de 6 Mois, je ferme et j'archive ~
Bonne journée.
Elie
 
Statut
N'est pas ouverte pour d'autres réponses.
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