Voyage au pays des rêves

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DeletedUser2461

Guest
Ce récit est tiré du texte écrit pour le concours du Grepolis Times du mois d'octobre 2013.
Il a subi des modifications et ceux qui l'ont déjà lu seront surpris.

Livre I
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Livre I

La maison de l’enquêteur avait la porte et les fenêtres closes et son locataire n’était pas sorti de toute la journée. L’administration royale devait penser que ce fonctionnaire au service de la justice menait des recherches dans la ville basse de Tirynthe car il n’était pas rare qu’Alype disparaisse ainsi pendant plusieurs jours.

Seul Eumène paraissait inquiet de l’absence prolongée de son chef. En dix années passées auprès de lui à parcourir les terres du royaume, jamais il n’avait été écarté de ses enquêtes. Alype avait remarqué en lui un assistant curieux, discret et méthodique, des qualités essentielles pour élucider les crimes les plus mystérieux. Avec le temps, Eumène avait appris à connaitre la moindre de ses habitudes et si son chef n’était pas venu travailler aujourd’hui, c’est qu’il devait y avoir un problème

Après avoir scrupuleusement nettoyé ses instruments et soigneusement rangé son écritoire, il salua les gardes de nuit qui venaient prendre la relève et il sortit du bâtiment de la justice. Le soleil n’était pas couché et il avait largement le temps de rendre visite à Alype avant de retourner chez lui.
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Livre II
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Livre II

Je me réveillais d’un sommeil étrange, flottant à quelques doigts au-dessus d’une surface plane puis je fus submergé par une vitalité qui me surprit. Je sentis sous mes fesses le contact d’un métal froid et je pris conscience de ma nudité. Tout près de moi, étendu sur une table, reposait le petit corps inerte d’un homme aux vêtements que je reconnaissais : moi !

- Bienvenu au pays des dieux.

Pris de panique, je me retournai.

- Ne crains rien, c’est bien ton corps que tu contemples. Je viens de te transférer dans un autre corps. Lève-toi, je vais t’expliquer. Tu ne peux me reconnaitre ainsi vêtu car je ne porte pas ma tenue d’apparat.

Je me redressai maladroitement afin de bien observer mon interlocuteur et je découvris un homme qui manipulait quelque chose. Il était recouvert jusqu’au cou d’une fine pellicule bleue. Je voulus lui parler mais j’en fus incapable ; seuls quelques sons inaudibles parvinrent à sortir de ma bouche pâteuse.

- Calme-toi Alype de Tirynthe. Pardonne-moi pour cette gêne temporaire, tout va rentrer dans l’ordre. Je suis le dieu que les humains nomment Zeus. Je viens de te donner l’un des corps d’Héraclès et si tu éprouves certaines difficultés physiques, c’est parce qu’il faut un petit moment à l’esprit pour s’accommoder à la nouveauté. Nous sommes plus grands que la race humaine et il faudra t’habituer à ce changement. Suis-moi dans l’autre pièce.

Je me mis à trembler lorsque mon esprit embrumé prit conscience des paroles que je venais d’entendre. Je tentai de me ressaisir en faisant appel à toute ma raison et je dus mettre de côté ma peur et tout accepter, même les choses les plus incroyables. Alors, je découvris autour de moi une salle épurée, sans meuble distinctif, des murs lisses aux couleurs douces et variées. Puis, dans mon corps de géant, je suivis Zeus difficilement au début mais avec davantage d’assurance ensuite. Les parois avaient un aspect métallique et semblaient réagir à notre passage par un changement de couleurs chatoyantes. Dans l’autre pièce également vide, le corps d’une déesse était étendu.

- Ma belle Eunice s’est écroulée subitement or notre enveloppe terrestre a été conçue de manière à se réparer d’elle-même et ne peut se détruire toute seule ; il s’agit donc d’un crime et je veux que tu découvres l’assassin. Je t’ai longuement observé, Alype de Tirynthe. Si je t’ai choisi, c’est parce que tu es un enquêteur de renom et que tu n’es pas des nôtres. Je ne peux confier cette tâche à l’un des miens car ma confiance en eux est limitée en ce moment. Toi, tu es étranger à nos affaires. La présence d’un humain dans l’enceinte de l‘Olympe étant contraire à notre règlement, j’ai dû adapter cette condition à la situation. Je t’ai donc attribué le corps d’Héraclès pour passer inaperçu. Le vrai Héraclès est actuellement occupé à réaliser des travaux. Viens, je dois te vêtir.

Une ouverture apparut dans le mur et je pris place à l’intérieur. Aussitôt, je reçus une petite pression sur l’ensemble du corps. La matière qui me recouvrit instantanément était souple et agréable. J’examinais alors le cadavre d’Eunice. Nulle trace de violence n’était visible sur son corps magnifique. A priori, le mal était venu de l’intérieur. Un empoisonnement ? Si à Tirynthe j’étais devenu célèbre en élucidant les meurtres de mes semblables, j’étais en revanche novice dans ceux qui concernaient les dieux. Je me résolus à demander à Zeus d’une voix que j’entendais pour la première fois :

- Qui est Eunice ?

- Eunice est une néréide ; elle n’occupe pas vraiment une place essentielle dans notre Organisation mais elle est également mon amante.

- « Elle est… » ?

- Il faut que tu saches une chose importante ; Eunice n’est pas vraiment morte car son flux d’énergie a rejoint le caisson de confinement où repose son véritable corps. Tels que nous sommes en réalité, nous ne pouvons respirer votre air et c’est pour cela que nous avons recours à des corps de substitution copiés sur ceux des humains. Leur structure est comparable à la vôtre mais dans une version parfaite. Si nos enveloppes corporelles ne peuvent pas vieillir, elles peuvent en revanche être détruites et dans ce cas, nous en intégrons une nouvelle. Seuls les membres dirigeants disposent d’une réserve. Quant à Eunice, elle devra attendre quelques jours avant d’être réincorporée. Alors, elle me reviendra plus belle que jamais !

- Dans ce cas, je ne vois pas l’intérêt de la supprimer.

- Seul un poison puissant en notre possession peut expliquer la destruction à retardement du corps d’Eunice. Et comme toutes les substances toxiques sont sous la surveillance d’Asclépios, c’est forcément un dieu qui s’en est procuré. Les entrées de chaque quartier sont surveillées. Regarde ça.

Zeus effleura de sa main une partie de la paroi. Aussitôt, les couleurs chatoyantes laissèrent la place à des silhouettes en mouvement.

- Je peux savoir qui s’est rendu dans ses quartiers. Je sais que lui-même n’en sort jamais et les autres membres de mon équipe doivent avoir un très bon motif pour y pénétrer. Je viens d’en sélectionner trois. Tout d’abord, mon épouse Héra, puis Aphrodite et pour finir, Hermès. L’un d’eux est l’assassin.

Je restais sans voix devant la magie de ces images vivantes. Je reconnaissais ces trois divinités même si elles ne portaient pas leurs tenues que nous leurs attribuions traditionnellement. Et ces dieux tant vénérés par les hommes, seraient interrogés par moi. Il me fallut un petit instant pour me ressaisir.

- Je vais devoir les interroger, il y a quelque chose que je devrais savoir sur mon hôte prestigieux ?

Ma remarque fit sourire Zeus.

-Sache qu’il n’y a pas de tabou dans nos mœurs et que celles-ci sont extrêmement libres en comparaison aux vôtres. Tu pourras poser toutes sortes de questions mais ne te montre pas trop malin car vois-tu, Héraclès est beaucoup moins subtil. Surtout, essaye d’agir en dieu et non plus en humain ; considère-les maintenant comme tes égaux.

- Où vais-je les rencontrer ?

- Ils sont présents dans l’Olympe. Nous nous rassemblons chaque année pour prendre des décisions concernant l’humanité. Mais avant, il y a toujours une période de festivité. Je compte vraiment sur toi pour découvrir qui a agi sans mon consentement ; je ne permettrai à quiconque de défier mon autorité. Si tu réussis, tu seras largement récompensé. Sache enfin que si je me confie à toi, c’est parce que le souvenir de ton passage parmi nous te sera effacé. En attendant, accompagne-moi dans la grande salle de réception, il y a de quoi manger et se divertir ; tu en profiteras pour te mêler aux autres.
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Livre III
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Livre III

A la sortie des quartiers de Zeus, je reçus en plein visage un souffle vif et frais. Il y avait devant moi une gigantesque cour ouverte sur le ciel et je distinguais au loin à droite et à gauche la cime des montagnes enneigées. Zeus profita de cet instant pour admirer les alentours.

- C’est magnifique, n’est-ce pas ? Vous avez de beaux paysages que nous vous envions, dit-il en souriant.

- C’est incroyable, dis-je émerveillé.

- La salle de réception est dans cette direction là-bas.

J’apercevais au loin un grand bâtiment à la forme triangulaire que j’estimais être gigantesque lui aussi.

- Nous allons prendre un vimana[SUP]1[/SUP] pour nous y rendre, poursuivit-il.

Zeus actionna quelque chose à son poignet, et du sol sortit une vasque d’une matière pareille à l’airain. Une fois à bord, une chaleur nous enveloppa. Juste le temps d’une inspiration et le vimana partit à toute allure.
Dès que nous fûmes à l’intérieur de la salle de réception, je fus spontanément pris de vertiges. Une orgie de senteurs, de sons et de couleurs agressaient mes sens. Partout des reflets et des rais de lumière balayaient fugitivement des corps, caressaient des visages radieux, partout des dieux et des déesses gesticulant en cadence avec le bruit incessant qui martelait les têtes. J’étais broyé par cette foule agitée et absorbée dans sa danse frénétique. Ils devaient être des centaines ! Je me demandais comment j’allais faire pour identifier mes trois suspects quand Zeus se pencha vers moi pour me dire quelque chose. Il mit le doigt à son poignet et je pus l’entendre sans difficulté.

- Tu as de la chance, ils sont tous les trois dans le même secteur, tout près des grosses colonnes holographiques. Attends… tu disposes ici du même dispositif, dit-il en me prenant le poignet. Lorsque tu l’actionnes, cela crée autour de toi une bulle de discrétion qui neutralise tout bruit parasite autre que la voix. Il est d’une petite portée mais se révèle très efficace.

Je mis tout de suite le petit appareil en fonction et je me dirigeais vers les grandes colonnes de lumière dans lesquelles des formes géométriques se succédaient. Protégé dans ma bulle, je pouvais avoir les idées claires et commencer sereinement mon enquête.

La première déesse que je désirais aborder fut Héra. Elle se tenait à l’écart des autres dieux dans une posture noble, regardant avec dédain leur danse déchaînée et sirotait délicatement une boisson dans une coupe transparente. Lorsqu’elle l’eut vidée, elle la posa sur un cube à côté d’elle et la coupe se remplit toute seule. A mon approche, elle eut un geste de recul pour la cacher.

- Héraclès le bâtard de Zeus ! me lança-t-elle froidement.

- Ici, rares sont ceux qui ne le sont pas, rétorquai-je d’un ton ironique en espérant que cette attitude ne me trahisse pas. Pour donner corps à ma remarque, j’indiquai de la tête la belle Aphrodite perdue dans cette masse informe en mouvement. Exaltée elle aussi, elle se pliait en deux, se redressait et tournoyait entre deux jeunes dieux qui la dévoraient des yeux.

- Cette dévergondée… une bâtarde de mon époux, imbue de sa personne ! Ne me parle pas de cette catin. C’est pour elle seule qu’on renouvelle chaque année le concours de la plus belle déesse. Et moi, je dois me prêter à cette mascarade ! De toute manière, belles ou pas, elles finissent toutes dans le lit royal !

- On dit que mon père fréquenterait Eunice.

- Eunice la mijaurée, la fille de Nérée ? Quelle importance ! Zeus ne sera jamais contenté. Avec les déesses à la rigueur, je peux pardonner mais avec les humaines… comme ta mère… quelle honte !

Dans une rage folle, Héra avala d’un trait la coupe qu’elle cachait puis la brisa violemment à mes pieds.

- Tu me répugnes, toi le fils d’Alcmène[SUP]2[/SUP], toi le bâtard de mon époux ! Le sang impur qui fait honte à notre race !

Les yeux mouillés, elle s’adressait maintenant à la foule qu’elle rendait responsable de tous ses malheurs. Je m’éloignai d’Héra et rejoignis Aphrodite. Lorsqu’elle me vit, elle m’accueillit avec une joie sincère.

- Héraclès… le plus impressionnant des demi-dieux ! fit elle en écartant les deux gêneurs et en se rapprochant de moi jusqu’à frotter son corps contre le mien. Tu sais que tes caresses m’ont manqué ? Après le concours que je remporterai haut la main, viens me rejoindre dans mes appartements et je te montrerai des positions incroyables inventées par les humains. Tu sais que tu restes le meilleur de mes amants ?

- Je n’en doute pas, répondis-je en lui souriant. Et toi, savais-tu que la sublime Eunice m’a également appris certaines choses dans ce domaine ?

- Toi avec cette peste qui se croit plus belle et plus expérimentée que moi ? Elle n’arrivera jamais à m’égaler ! Encore une fois, je serai la plus belle de l’Olympe !

Je la sentis piquée au vif. Aussi pour la rassurer, je la pris dans mes bras.

- Moi aussi, je meurs d’impatience de te rejoindre. Avec une tenue d’apparat ou sans, tu es vraiment la plus belle des déesses.

- Flatteur et vicieux avec ça ! me lança-t-elle en faisant mine de me rejeter tout en affichant un air malicieux.

- Tu sais, tu n’as pas besoin de toutes ces choses que te procure Asclépios pour être la plus désirable des déesses. Laisse-ça aux autres, lui susurrai-je à l’oreille.

- Je vois que tu t’intéresses à moi ; serais-tu tombé amoureux ? Je ne sais pas qui t’a raconté ça mais c’est vrai, je l’avoue ; Asclépios me procure des capsules à renforcement de teint, est-ce un crime ?

Désirant m’entrainer avec elle dans une danse endiablée, je parvins à me libérer prétextant une obligation envers Hermès. Je la laissai en compagnie des deux jeunes dieux qui d’une manière crâne, s’empressèrent de la rejoindre.

A l’écart, je vis Hermès en compagnie d’une déesse affublée de sa tenue d’apparat. Ses longs cheveux ondulés étaient garnis de perles, et tandis qu’elle lui montrait une broche en forme de coquillage, j’aperçus dans le repli de son péplos, une longue jambe fine recouverte de minuscules écailles. Visiblement, elle était déjà prête pour le concours.

- Héraclès, mon ami ! je te présente Actée, dit Hermès d’un air enjoué. Je ne pense pas que tu connaisses Actée. Actée est fille de Nérée. Elle est venue me présenter son nouveau compagnon, un cadeau offert par Athéna mais je lui ai dit qu’il lui en aurait fallu un autre plus approprié à l’océan.

- Je n’ai pas l’honneur de te connaitre belle Actée… mais je connais ta sœur Eunice, répondis-je.

A côté de la jeune déesse, voletait une petite chouette mécanique. J’avais déjà entendu parler de ces petits compagnons artificiels forgés par Héphaïstos. Beaucoup de divinités s’entouraient d’animaux d’apparat ; cela faisait partie de l’image que les dieux désiraient révéler aux hommes. Actée, tout en jouant avec son compagnon ajouta :

- Je n’arrive pas à retrouver ma sœur. L’aurais-tu vue, noble Héraclès ? Elle devait me rejoindre pour ce fichu concours qu’on nous impose. Voilà un an qu’elle s’y prépare.

- Elle est certainement avec un galant ! plaisanta Hermès. On dit qu’elle s’est surpassée cette année. Je suis impatient de voir ça !

- Oui, elle n’est plus la même depuis qu’elle possède une nouvelle matrice génétique de modification. Elle va ridiculiser Aphrodite !

- Pour répondre à ta question Actée, je n’ai pas vu Eunice depuis un bon moment, mentis-je en espérant découvrir une émotion sur la figure du messager des dieux. Mais ce dernier affichait toujours son visage radieux et légèrement espiègle.

- Et bien moi, je viens juste de revenir de mission. Toujours en vadrouille le messager ! On m’envoie à droite et à gauche pour parcourir le monde. Un de ces jours mon vimana va me lâcher et ce ne sont pas mes petites ailes factices accolées aux pieds qui me sauveront de la chute ! J’en toucherai deux mots à Héphaïstos.

- C’est pour ces missions que tu visites souvent Asclépios ? demandai-je.

- Tout à fait. Ma dernière visite est récente. Il me fournit des remèdes que je dois apporter aux membres des autres Organisations, tu sais bien, celle du grand continent à l’ouest de l’Atlantide ou bien celle qui administre la zone située près du fleuve Indus.

- Lui dérober un objet serait chose aisée ?

- Pourquoi me demander cela, tu désires prendre ma place comme dieu des voleurs ? Plus sérieusement, je pense que ce serait facile. Toutes ses pilules, potions et nanomédicaments sont soigneusement étiquetés ; il suffirait qu’il regarde ailleurs.

Estimant en avoir assez entendu, je décidai de rejoindre Zeus pour lui faire part de ma petite idée.

Lorsqu’il me vit, Zeus me fit signe de le suivre. Il activa un mécanisme et tout ce qui nous entourait disparut subitement. Il rit de mon étonnement.

- Nous sommes dans un autre plan vibratoire ; tu peux parler, personne ne nous entend. As-tu trouvé quelque chose ?

- Peut-être. Ce n’est qu’une esquisse mais c’est assez suffisant pour déterminer le mobile du crime. Il faudra bien sûr approfondir l’enquête ensuite.



1: "char des dieux" dans la culture indienne
2: Alcmène est une mortelle séduite par Zeus
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Livre IV
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Livre IV

- Alors ? demanda Zeus.

- Je pars du principe que deux suspects avaient manifestement une raison de vouloir la disparition d’Eunice : Héra et Aphrodite. J’élimine Hermès de la liste car je ne vois pas en quoi la mort d’Eunice aurait servi ses intérêts.
Nous avons d’abord Héra.
Même si elle essaye de le cacher, votre épouse souffre de vos aventures amoureuses… surtout celles avec des mortelles. C’est peut-être pour soigner son mal qu’elle rend visite à Asclépios. J’ai noté aussi qu’elle était irascible ; cela peut-il justifier sa culpabilité ? Elle est certainement capable de tuer sous l’emprise de la colère l’amante de trop, celle qui doit rendre compte pour toutes les autres. Mais le meurtre d’Eunice révèle un geste calculé et non pas spontané. Or si Héra a réellement prémédité le crime, pourquoi ne s’est-elle pas aperçue de l’absurdité du geste ? Elle n’ignore pas qu’Eunice va réapparaitre quelques jours plus tard, et que tout recommencera.

- Ce serait donc Aphrodite ?

- Elle est la seule à qui profite vraiment la disparition d’Eunice.
Bien que présent à l’Olympe depuis peu de temps, je sais que chaque année, dans le cadre des festivités, vous procédez à l’élection de la plus belle déesse… et chaque année, tout le monde connait à l’avance le nom de la gagnante puisque qu’il s’agit de l’indétrônable Aphrodite. Or, cette fois-ci, il semblerait qu’une déesse voulait l’affronter. C’est pour cette raison qu’Eunice s’était modelé et entretenu un nouveau corps une année durant.

- Une année, dis-tu ? C’est justement pendant cette période que j’ai remarqué la belle Eunice et que nous nous sommes aimés.

- Je pense que c’est ce concours qui est la clé de ce meurtre. Voici comment je conçois l’affaire :

Premièrement, la rumeur sur la nouvelle plastique d’Eunice s’est répandue et Aphrodite apprend le nom de sa rivale.

Deuxièmement, Aphrodite s’est sentie menacée car tout le monde flatte la beauté d’Eunice. Elle visite Asclépios et lui demande des remèdes pour être certaines de surpasser Eunice.

Troisièmement, habituée à visiter les quartiers d’Asclépios, elle remarque les poisons soigneusement étiquetés et c’est peut-être à ce moment que l’idée lui vient. Il est aisé d’en dérober un et personne ne le saura. Par ailleurs, la disparition d’Eunice serait une bonne chose puisqu’elle ne serait que temporaire et qu’elle lui assurerait la victoire.

Je n’ai malheureusement aucune preuve de ce que j’avance et j’ignore comment vérifier mes dires. Est-ce que cela vous semble tout de même crédible ?

- Je te félicite Alype de Tirynthe. Connaissant ma fille, je n’ai pas de mal à me plier à ton raisonnement. Je m’occuperai d’Aphrodite plus tard. Pour te récompenser de l’aide apportée, je vais t’offrir un cadeau que nul autre humain n’a reçu avant toi.


Plus tard, Zeus et moi embarquions à bord d’un vimana plus gros que celui que nous avions pris auparavant et qui ressemblait à un œuf. Nous étions confinés dans un espace entièrement fermé. J’eus l’impression que l’air autour de moi devenait plus dense, ce qui limitait mes mouvements. La machine tressaillit légèrement pendant un très court instant. Zeus actionna ensuite un mécanisme. En même temps que la densité de l’air redevenait normale, je me surpris à flotter et une fenêtre se fit sur la paroi du vimana ; alors je vis.

- Vois Alype de Tirynthe ! observe ton monde comme tu ne l’as jamais vu ; je te présente Gaïa !

Je vis par cette ouverture une boule bleue resplendissante baignée de lumière, flottant au milieu d’un voile sombre parsemé de perles étincelantes.

La couleur ocre des continents se détachait clairement du bleu profond des océans. Zeus me désignait les montagnes, les îles que je devais certainement connaitre pour les avoir visitées. En tendant la main vers cette boule éclatante de vie, je faisais comme si je la tenais délicatement, de peur qu’elle s’abime, elle, cette boule qui semblait si fragile et sur laquelle pourtant les humains naissaient, vivaient et mouraient. Des larmes me venaient aux yeux, je ne savais pas comment remercier Zeus de ce cadeau formidable. Je me sentis si petit, si faible, si humain devant tant de beauté que j’en tremblais.

Revenu dans les quartiers de Zeus, je profitai qu’il me laissât seul un moment devant mon enveloppe humaine pour sortir discrètement de sa tunique quelques feuillets de papyrus et mon vieux calame. En guise d’encre, je fis couler quelques gouttes du sang d’Héraclès et je rédigeai hâtivement avec le trouble qui m’habitait, ce témoignage que je cachais dans la tunique. Je sais que je dois retourner dans ce corps imparfait d’humain et que j’aurai bientôt tout oublié de cette aventure.

Alors, voilà ce que j’ai retenu de mon voyage au pays des dieux ; je devrais écrire « au pays des rêves » car il y a mille choses fantastiques que j’ai vues mais que je ne peux retranscrire ici. Les dieux, aussi puissants qu’ils peuvent l’être, sont finalement semblables à nous, avec leurs bontés, leurs passions mais aussi avec leurs haines. Je sais que leur mission est de veiller sur l’humanité, sur notre monde magnifique dont l’image restera à tout jamais décrite dans ce billet.
Alype, je m’adresse à toi. Lorsque tu auras repris conscience et que tu liras ce récit incroyable, tu devras croire et garder espoir en l’humanité. Un jour, celle-ci deviendra égale aux dieux et nous aurons peut-être, nous aussi, une mission à accomplir. Tu ne devras pas oublier car ceci est ma mémoire, ton histoire…

Alype, fils de Thrasybule.
Scribe et enquêteur au palais de Tirynthe sous le règne du roi Eurysthée[SUP]3[/SUP].



3: roi de Tirynthe pour qui Héraclès accomplit ses 12 travaux
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Livre V
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Livre V

Eumène frappa à la porte de la maison et héla le nom de son chef. Personne ne répondit ; pourtant, il lui avait semblé avoir entendu un bruit. Eumène poussa la porte mais celle-ci était bloquée. Alors, il la poussa violemment et il réussit à entrer.
La pièce principale était faiblement éclairée par la flamme vacillante d’une petite lampe posée sur le rebord d’un guéridon. A côté, assis sur le sol et le corps pris dans un balancement continuel, Alype avait l’oeil hagard et marmonnait quelque chose.
Eumène se rapprocha pour mieux entendre.

- … Eunice… Eunice… Eunice…

Il remarqua quelques feuillets roulés qu’Alype tenait fermement dans la main. Il les prit délicatement et sortit de la maison pour les lire à la lumière du soleil couchant.

La lecture achevée, Eumène retourna auprès de l’enquêteur.

- Je suis désolé… dit-il à Alype lorsqu’il approcha les billets de papyrus vers la flamme. Tu comprends, personne ne doit savoir.

Puis, dévoilant un petit objet caché sous sa tunique, il dit en le portant à sa bouche :

- De Gaïa à Olympe... ici, unité de surveillance Gamma… problème avec l’un de nos contactés, le retour s'est mal passé. Demande conduite à tenir…


FIN​
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DeletedUser

Guest
Très intéressant ^^ Tu as rajouté quelques paragraphes et développé ? Je ne crois pas l'avoir remarqué à la première lecture mais on comprend assez bien que les dieux ne sont, non seulement pas humains, mais semblent même extra terrestres, non ? La dernière partie était-elle vraiment nécessaire ? Tu pouvais laisser au lecteur le plaisir de s'imaginer qu'Alype ait réussi à conserver son témoignage où qu'on le lui ait pris.

Sinon la culpabilité d'Aphrodite est un peu trop évidente. Et pourquoi Zeus lui montre et lui explique plein de choses si c'est pour lui effacer la mémoire ? Il perd un peu son temps ^^
 

DeletedUser2461

Guest
Le texte principal (celui du concours) a été retouché pour apporter davantage de précision dans la présentation des deux déesses.

Je n'ai pas du tout cherché à rendre l'enquête complexe. Je me suis plutôt penché sur le contexte particulier de l'univers des dieux.

En effet, ce n'est pas précisé de manière explicite, mais les dieux sont en effet des extraterrestres. Il y avait tout de même des indices dans le texte (celui du concours).

1) on sait que leur véritable nature les empêche de respirer l'atmosphère terrestre et qu'ils ont besoin d'un corps proche de celui des humains pour vivre en plein air. S'ils ont fabriqué de grands corps de type humain, c'est pour qu'ils puissent être adaptés à la taille de leur vaisseau. Ce qui nous révèle leur véritable taille d'ET.

Car si tu veux tout savoir, l'Olympe est un gigantesque vaisseau spatial. Mais, je n'ai pas voulu le dévoiler car cela n'aurait rien apporté de plus.

2) On sait aussi que Zeus nous envie nos beaux paysages. Ca veut dire qu'il vient d'ailleurs.

Si Zeus révèle les secrets à l'enquêteur, c'est qu'il désire une réelle transparence pour faciliter l'enquête. Par ailleurs, on ressent de la bonté chez Zeus ; il prend plaisir à lui expliquer les choses, à lui montrer son univers sachant aussi que cela n'aurait pas d'impact sur la suite des évènements puisque la mémoire d'Alype lui sera retirée. Il ne perd pas son temps en lui montrant les choses qu'ils rencontrent en chemin car il faut aussi qu'Alype sache plein de choses pour jouer parfaitement son rôle d'Héraclès.

La fin est assez cruelle et triste. Je voulais montrer que les dieux pouvaient être partout et avaient des agents sur Terre mélangés aux humains. Ce sont aussi des dieux mais incorporés dans des corps d'humains. L'unité Gamma indique que nous sommes dans le secteur Gamma...
 
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DeletedUser

Guest
Mmh, dans ma tête, j'expliquais les descriptions de Zeus plus comme une manifestation de son orgueil, un dieu qui aime s'écouter parler. Après, faire des dieux des extraterrestres, dans la pure étymologie, c'est déjà ça, non ? :p Franchement, je trouve qu'il y a beaucoup de matière dans ce texte à tel point que je me suis vu projeter très rapidement des idées de scénarios très complexes, ou du moins ce que je pouvais en imaginer, et j'ai été vraiment déçu par la conclusion rapide de l'histoire. Il y aurait eu moyen de créer un univers très atypique car tu as déployé tellement de ressources dans cette nouvelle. J'y voyais déjà des intrigues croisées, des rebondissements, des trahisons, des alliances, l'enquêteur découvert, du sang, du sexe (surtout qu'avec les mœurs libres, y aurait eu moyen de faire dans la subversion). Bref, tellement de choses à faire ! Et chpam badaboum tout est retombé ^^ Enfin, tu as un très bon potentiel, tu écris de façon efficace, fluide et équilibré : chapeau bas.
 

DeletedUser2461

Guest
[...] Franchement, je trouve qu'il y a beaucoup de matière dans ce texte à tel point que je me suis vu projeter très rapidement des idées de scénarios très complexes, ou du moins ce que je pouvais en imaginer, et j'ai été vraiment déçu par la conclusion rapide de l'histoire. Il y aurait eu moyen de créer un univers très atypique car tu as déployé tellement de ressources dans cette nouvelle. J'y voyais déjà des intrigues croisées, des rebondissements, des trahisons, des alliances, l'enquêteur découvert, du sang, du sexe (surtout qu'avec les mœurs libres, y aurait eu moyen de faire dans la subversion). Bref, tellement de choses à faire ! Et chpam badaboum tout est retombé ^^ [...]

Tu as absolument raison. Et je suis un peu frustré moi aussi.

Dans ce thème, il y a matière à faire une série sur des tranches de vie de personnages parfois récurrents. Au début, ce sont de simples histoires dans lesquelles on découvre l'univers grec. Au fil des histoires on découvre un peu de fantastique avec des interventions divines... mais qui sont vues et racontées par des mortels. Plus tard, le lecteur en apprend davantage sur le secret des dieux : qui ils sont, leur mission... Pour finir, nous aurions une autre vision du monde où se déroule l'action en découvrant que la planète n'est pas la Terre. C'est une autre planète peuplée il y a très longtemps par des humains importés ; on comprend alors l'origine des monstres mythologiques.

J'ai tout ça en tête.

J'ai profité du sujet du concours sur le thème du crime pour y insérer un aperçu de ce contexte. Nous étions limité à 20 000 caractères.

A l'issu de ce concours du Grepolis Times, j'ai ajouté un début et une fin au texte. C'est vrai qu'ils sont très courts par rapport au corps principal de l'histoire.
Cette conclusion rapide ressemble beaucoup à une fin d'un épisode pilote comme le font les producteurs de séries.

Je me suis amusé à décrire la réception des dieux comme une gigantesque boîte de nuit.

Je voulais susciter de l'émotion auprès du lecteur lorsque le narrateur observe la Terre depuis l'espace et lorsqu'il s'adresse à lui-même ensuite.

Je ne sais pas si j'y suis parvenu ou pas.
 

DeletedUser42533

Guest
Bonjour,
la discussion étant inactive depuis plus de 6 Mois, je ferme et j'archive ~
Bonne journée.
Elie
 
Statut
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