On a beau être toujours plus ou moins touché par les attentats qui se passent ailleurs (je me rappelle à quel point je m'étais senti mal avec les attentats de Paris, suivant les informations toute la soirée puis une grande partie de la nuit, découvrant chaque nouvelle annonce avec un peu plus d'horreur), ça reste à des lieues de ce qu'on ressent lorsque ce type d'événements est à notre porte.
Je vis à Bruxelles la semaine et je reviens chez ma famille en transports en commun chaque week-end. Pour atteindre la gare et ses trains le vendredi soir (aller) et le dimanche soir (retour), je prends d'abord le métro. Ce métro, c'est celui qui s'arrête à Maelbeek, théâtre d'un des deux attentats de ce mardi ; j'aurais pu être dedans s'ils avaient décidé de se faire sauter un vendredi aux heures de pointe. J'ai également quelques amis qui prennent ce même métro, parfois. Mes parents, tous deux fonctionnaires, ont fort heureusement été touchés par la régionalisation des services publics et ne travaillaient plus à Bruxelles depuis approximativement le début de l'année scolaire 2015/2016. Je me rappelle avoir pesté des dizaines de fois sur cette décision politique qui ont bouleversé nos vies à l'époque. Si cette régionalisation n'avait pas eu lieu, mes deux parents auraient pu être à l'intérieur de ce métro.
Même chose avec l'aéroport auquel je me suis déjà rendu plusieurs fois pour partir en vacances.
J'ai beau avoir été toujours très réaliste, très analyste, voire pessimiste, craignant facilement de tels événements ; j'ai beau être sincèrement touché au moindre drame, d'origine terroriste ou non d'ailleurs, détruisant des familles entières ; j'ai beau m'être toujours dit que la vie continue ... Mais, quand ça nous touche directement dans notre quotidien, dans des lieux auxquels nous sommes attachés, ce n'est plus pareil. L'effroi, décuplé par rapport aux attentats de Paris, puis l'abattement et la tristesse, enfin, la peur. Tous ces sentiments se sont succédé entre le moment où j'ai appris la nouvelle (dans les dix minutes ayant suivis l'attentat de l'aéroport) et aujourd'hui, date à laquelle j'avais cours à mon université.
Oui, l'université était ouverte. Oui, elle l'était alors qu'elle avait fermé plusieurs jours suite à Paris. Au début, j'ai fustigé tout autant que d'autres étudiants cette décision, notamment sur la page Facebook de l'unif'. La colère, l'incompréhension et la peur. Tout cela me faisait dire que ces décisionnaires étaient des irresponsables. Mais, aujourd'hui, j'ai été à mon cours. Nous étions six sur les cinquante habituels. Quelle surprise. Chacun a réagi à sa manière à ce traumatisme. Peut-être certains ont perdus des proches, sans doute que d'autres se sont contentés d'aller au recueillement qui se déroulait juste avant le cours, très certainement que d'autres encore avaient peur, et plusieurs ont probablement été découragés par les perturbations dans les transports. Néanmoins, il faut continuer à vivre, et c'est encore plus vrai dans un cadre universitaire. D'ailleurs - vous l'avais-je dit ? - la devise de notre université l'empêche de rester fermée face à des terroristes : "Scientia vincere tenebras", c'est-à-dire "Vaincre les ténèbres par la science". La connaissance, le savoir et l'instruction sont des armes, certes inoffensives, mais symboliquement et culturellement très puissantes contre son antithèse qu'est le terrorisme, plus encore lorsqu'il est religieux.
La vie continue car le terrorisme est une réalité comme le déraillement d'un train, un incendie ou une catastrophe naturelle sont autant de réalités. La seule différence, c'est que les attentats sont d'origine humaine et volontaire. Ca rend ces drames plus frustrants et terribles parce qu'on a toujours la sensation que cela aurait pu être évité, qu'il y a une responsabilité politique ou sécuritaire derrière, etc. Mais, cela ne change rien au fait que nous devons continuer à vivre, en enfouissant nos peurs au fond de nous. Avoir peur et se terrer est une double défaite : d'abord, parce que c'est une victoire pour ces gens qui ont pour seul but d'instiller la peur et/ou la haine ; ensuite, car, dans la crainte permanente, nous mourons. Pas biologiquement bien sûr, mais une vie passée dans la peur est une vie gâchée, une vie bridée.
Je m'arrête là car j'ai déblatéré suffisamment de choses de façon décousue pour aujourd'hui. Il s'agit de mon ressenti, suivi de mon avis uniquement. Je n'oblige personne à y adhérer ou à en avoir le même ressenti. Excusez-moi aussi : le style est abrupt et peu cohérent mais c'est un texte écrit au fil de mes pensées, sans relecture.
N'oubliez pas que c'est normal d'avoir peur (il serait idiot de se croire à l'abri ou invincible), mais que lorsqu'on a peur de perdre, il ne faut pas non plus laisser gagner son adversaire.