[Récit] Le roi Minotaure

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Guest
Je profite qu'il semble y avoir un regain d'activité dans cette section pour publier ce petit récit de 10 petits chapitres. Je publierais chaque nouveau chapitre tous les 5 nouveaux commentaires (les miens non compris), histoire de vous obliger à commenter :p

Lors d’un coup d’état orchestré contre lui, le roi Rêveur se retrouve enfermé par ses opposants dans un labyrinthe situé dans une branche parallèle, à l’espace-temps modifié. Il doit compter sur sa femme la reine et son fidèle capitaine pour le sortir de là et reconquérir son trône. Et tout ne s’annonce pas aussi facile qu’il ne l’avait prévu, tant le complot qu'il découvre prend de l'ampleur, chacun agissant en vertu de ses propres et mystérieux buts. Fans de fantasy et adorateurs de voyages spatio-temporels, prenez votre courage à deux mains et franchissez la porte du labyrinthe pour rencontrer...

Le roi Minotaure

PRISONNIER DU LABYRINTHE

[SPR]… dansaient les flammes. Il les voyait bien, ces volutes qui se trémoussaient en griaillant, levaient vers le Soleil, leur maitre divin, leurs tentacules de braises. Mais lui, il appartenait à une cité d’ombres, à la Nuit mère. Il était un rêveur, et pas n’importe lequel. Il était le Roi Rêveur. Alors, flammes dévoreuses, était ce là toute la limite à votre puissance ?

__ Sire, l’endroit n’est pas sûr, intervint le capitaine de sa garde, nous devrions nous presser.

Le Roi Rêveur regarda les feuillages alentour. C’était précisément pour cette raison qu’il s’y était arrêté. Il savait qu’ils l’y attendaient. C’était un chemin de terre qui traversait les bois qui couvraient la moitié de l’enceinte de la cité. Mais à quoi servait cette enceinte quand l’ennemi se trouvait déjà entre ses murs ?

Il sorti son épée deux secondes avant qu’ils ne surgissent, lames en avant. Ils étaient une dizaine, et il les connaissait tous. Il n’y avait pas de haine sur leurs visages, simplement de la détermination et pour certain de l’amusement. Le capitaine Elthalion réagit immédiatement.

__ Pour le Roi ! cria t-il en levant son épée au ciel.

Les cinq autres membres de sa garde dégainèrent leurs armes et se lancèrent au combat. Aussitôt, le Roi Rêveur se rendit compte que quelque chose n’allait pas. Il porta un coup en pointe sur un adversaire sans que sa lame ne pénètre son cuir. Le même désagrément se produisait pour ses hommes.

__ Scabreux inventifs ! rugit-il.

L’homme en face de lui sourit. Ils avaient émoussé leurs armes. Ils n’auraient même pas pu couper du beurre, tout juste l’écraser ou attendre qu’il fonde. Ils s’étaient mis à deux contre lui. Il parait les coups sans mal mais rageait de ne pouvoir répliquer autrement qu’en leur collant quelques bleus.

Ils bataillaient dans la bruyère et les mauvaises herbes. Le tout semblait assez pathétique. Eux ne pouvaient pas blesser ou tuer leurs adversaires, qui de leur coté ne semblaient pas leur vouloir spécialement de mal. Ils riaient, disparaissaient, courraient à travers les hautes herbes comme si c’était un jeu.

Mais il n’était pas le roi Rêveur pour rien. Il profita qu’ils s’égaillaient sans raison pour concentrer la puissance de son imaginaire sur son épée et briser la vision qu’ils en avaient conçu d’elle : un bout de métal sans fil. Immédiatement, ils semblèrent redevenir sérieux. Ils se stoppèrent net, devinrent immobiles, froncèrent les sourcils de mécontentement. Ils essayaient de contrer son intrusion dans leur schéma onirique.

Le capitaine Elthalion en profita pour prendre son épée à deux mains et asséner un grand coup sur la tête du rebelle le plus proche. L’homme s’écroula mollement, assommé.

Brave garçon, pensa le roi Rêveur sans y prêter davantage attention.

Un imaginaire contre douze. Ils étaient jeunes et leur esprit était particulièrement fertile et créatif. Mais lui avait eu quarante ans pour développer son esprit. Il brisa leur pensée collective et imposa la sienne à son arme. Elle devint plus tranchante qu’un rasoir.

Alors leurs adversaires reculèrent avec peur, firent d’abord quelques pas, puis s’enfuirent franchement.

__ Allez y, hurla t-il pour encourager ses troupes. Poursuivez les, taillez les en pièces !

Il s’élança en premier vers la masse impressionnante qui se dressait devant eux, par delà les bois. Une véritable montagne noire en ce début de matinée, un amas de tourelles et d’échauguettes, de remparts et de passerelles, de donjons et de terrasses. Qui grillait doucement, ravagé par le feu haineux. Son château.

Il y avait trois jeux d’enceintes avant de parvenir à la cour principale qui bordait le château en lui-même. Toutes les portes et herses étaient grandes ouvertes. Des cadavres jonchaient le sol, certains même plus humains. Lorsque l’imagination d’un individu prenait le dessus sur celle d’un autre, des choses terribles pouvaient arriver à ce dernier. Cela dépendait du bon vouloir du premier.

Les sans-uniformes – rebelles - se battaient contre les uniformes bleus, les loyalistes. C’était la pensée collective qui avait imposé cette distinction vestimentaire. D’un commun accord, les fidèles au roi s’étaient imaginés bleus, tandis que les rebelles se concevaient sans affiliation précise, et demeuraient généralement gris. On savait ainsi sur qui taper.

Lorsque deux gris s’interposèrent, le roi Rêveur les trancha promptement en deux. Personne ne se mettait en travers de son chemin. Il défonça d’un coup de pied rageur ce qui restait de la porte en bois donnant sur le hall d’entrée du château, suivis de près par le capitaine Elthalion, les cinq membres de sa garde et une vingtaine de soldats récupérés ci et là. Six soldats qui se trouvaient dans le hall plein de morts se joignirent à eux.

Fort de cette petite troupe, le roi marcha d’un pas décidé à travers les salles de granit. Jusqu’à la grande salle centrale, tapissée de marbre rouge veiné de blanc. De forme rectangulaire, elle faisait cent vingt mètres de long pour quatre vingt de large. Elle coupait quatre étages, son plafond étant le plus haut du bâtiment. Il y avait à chaque étage des allées de fines arcades, des colonnes torsadées aux motifs floraux, qui permettaient aux gens de voir ce qui se passait au rez-de-chaussée.

Aux balcons, des gens apeurés contemplaient la scène comme s’il s’agissait d’une simple pièce de théâtre. Au rez-de-chaussée, tout ce qui restait des frondeurs. Tous des nobles ou des soldats à leur solde. Une vingtaine en tout. Ce qui restait de l’armée royale – guère plus – s’aligna devant eux. Un homme chauve au regard dur, la lame et les vêtements poisseux de sang, se détacha du groupe rebelle.

__ Nous sommes parvenu à une espèce de statu quo, il semblerait, dit il d’un ton qui se voulait détaché mais demeurait nerveux. Il serait peut être temps de parler de…

__ Pas de discussion ! gronda le roi Rêveur qui fit deux pas et le décapita d’un geste brusque. Vibrateurs demeurés, rendez vous ou c’est la mort !

Un vent d’hésitation souffla parmi les frondeurs. Ils se questionnèrent du regard sur la marche à suivre. Cinq hommes serrèrent la poignée de leur épée et se dressèrent contre le roi coléreux. Celui-ci ne perdit pas de temps à attendre qu’ils se positionnent et l’encerclent, il fondit sur le premier et lui ouvrit le ventre, planta son épée dans le crâne d’un deuxième avant qu’il n’ait pu pousser un juron, la lame broyant le nez et ressortant de l’autre coté au dessus de la nuque. Il abattit sa lame sur la tête d’un troisième, l’éclatant comme un fruit trop mûr, et descendit les deux restant tout aussi facilement.

Sa rapidité et sa force ne leur avaient laissé aucune chance. Il s’était voulu ainsi, supporté par l’imaginaire de ses hommes qui le voulaient triomphant. Les rebelles eux avaient douté trop longtemps et perdu la cohésion de leur pensée collective, les rendant vulnérables aux assauts inventifs.

Comprenant que pour eux, tout était désormais joué, ils se rendirent, espérant ainsi trouver la clémence du roi. Ils furent attachés et rassemblés au centre du dallage de marbre, entourés de gardiens attentifs. Le roi envoya des hommes s’enquérir de la situation dans le reste du château. L’un d’eux revint bien vite, le visage blême.

__ Sire, il semblerait qu’un groupe s’insurgé dirigé par le seigneur Krishnen ait capturé votre fils le prince héritier. Nous ignorons où ils se trouvent.

Ravagé par la colère, le roi Rêveur dirigea son courroux vers les prisonniers. Il planta son regard dans chacun d’eux afin qu’ils y lisent l’étendu des sévices qu’il pouvait leur infliger.

__ Si vous ne voulez pas mourir, alors dites moi où se trouve mon fils et ce qu’ils comptent faire de lui.

Aussitôt, trois hommes lui livrèrent trois versions presque différentes.

__ Il a été emmené dans les labyrinthes pour retrouver la dame de l’Imaginaire Maevra, dit le premier.

__ Le seigneur Krishnen pense qu’il lui ouvrira l’accès aux portes du Réel, et comptait pour cela traverser le labyrinthe d’Oratia, expliqua le deuxième.

__ Il fallait le perdre dans l’un des labyrinthes pour vous affaiblir, lâcha le troisième.

Comme aucun autre ne se décidait à prendre la parole et à lui avouer la vérité, il ordonna qu’ils fussent tous tués, sauf les trois qui avaient parlé et qui seraient laissés aux bons soins des tortureurs. Les lames glissèrent dans les corps, les cris de protestation et d’horreur retentirent, le sang s’écoula en un vaste océan, que le marbre glouton buvait avidement.

__ Quelle barbarie, Majesté, commenta un homme qui venait d’entrer, accompagné de sept autres.

Le roi Rêveur le foudroya du regard.

__ Herennui ! Où est passé ton griseux acolyte ? Où est mon fils ?

__ Rejoignez le donc, répliqua le seigneur Herennui d’un ton suave.

Et cette pensée s’imposa au roi Rêveur. Il n’avait qu’une envie, c’était de retrouver son fils de huit ans, d’être avec lui, de le rassurer, le protéger. Il mobilisa la puissance de son imaginaire pour remodeler la réalité à ce but.

__ Maintenant ! cria Herennui aux sept autres hommes.

Le roi Rêveur fut frappé par une vague onirique. Huit esprits s’étaient braqués sur lui. L’air vibrait tout autour. Il n’eu même pas le temps d’agir. La puissance de son imaginaire servit de catalyseur. Ils se servirent de son propre pouvoir pour le retourner contre lui. Ils étaient eux-mêmes de très grands inventifs. En duel, il aurait pu les surpasser, les uns après les autres. Ensemble, ils avaient le dessus.

Il repensa aux corps inhumains qui parsemaient le champ de bataille. Il repensa à son fils, amené dans un des labyrinthes qui formaient le sous sol infini du château.

__ Très bonne idée, Majesté ! ricana Herennui.

Le sol se déforma et des murs se dessinèrent dans l’air hachuré.

__ Et merde, fut tout ce que pu lâcher le roi Rêveur, d’une façon certes peu majestueuse.

Un dédale de pierre s’éleva et l’emprisonna.

Dans la pièce de marbre se trouvait désormais un caisson de pierre. Il resta un moment là, comme si le temps s’était figé, puis il fut avalé dans le sol. La salle redevint de marbre. Sortant de leur torpeur, les soldats bondirent sur les huit rebelles. En sous-nombre, et épuisés par leur exploit, ceux-ci furent rapidement massacrés. Seul Herennui allongea trois gardes avant de parvenir à fuir.

Le capitaine Elthalion le poursuivit. [/SPR]


FIDELES ET FELONS

[SPR]… en arriver là ? Le royaume paisible soudain plongé dans une effroyable guerre civile. Que reprochaient ils au roi ? Il avait beau malaxer toutes les informations dont il disposait dans sa tête, tous les rapports des dernières années, tous les intérêts en présence, il ne comprenait pas. Herennui était un intriguant, mais de là à tenter d’assassiner le roi ?

Non, se dit il alors qu’il courrait à sa suite. Justement, il y a bien quelque chose d’anormal. Dès le début de l’embuscade ils ne semblaient pas vouloir tuer le roi. Et ils n’ont pas utilisé leur imaginaire pour le vaincre, seulement l’emprisonner. Qu’est ce que ça signifie ? Quelque chose m’échappe.

Et Krishnen ? Il était loyal au roi. Le capitaine Elthalion avait du mal à croire qu’il ait pu enlever le prince et l’emmener dans les labyrinthes. Pour quelle raison encore ? Les labyrinthes étaient des constructions oniriques mystérieuses, qui renfermaient milles mystères et dangers. Lequel intéressait Krishnen ? Quel savoir, quelle puissance cherchait il à acquérir ?

Je poserais la question à Herennui quand je tiendrais ma lame sur sa gorge.

Le bougre courait vite ! Il avait encore des hommes à lui dans la citée dévastée. Elthalion utilisa la puissance de son propre imaginaire pour accélérer. Il faisait de vrais bonds à chaque pas, un mètre, deux mètres, personne ne pouvait l’arrêter, il filait aussi vite que le vent qui lui cinglait la figure. Herennui jeta un regard derrière lui. Avisant Elthalion qui le rattrapait, une lueur de terreur fit vibrer ses yeux.

Ils étaient arrivés aux limites de la cité intérieure. Les portes étaient encore contrôlées par les rebelles. Herennui se précipita de l’autre coté et aboya leur fermeture. Une imposante herse s’interposa juste à temps, entre Elthalion et lui. Exténué, le seigneur félon reprit son souffle adossé aux remparts.

Elthalion échangea quelques passes avec les deux soldats qui avaient fermé la herse. Il tua le premier et d’un coup de poing assomma le second. Il ramassa sa lance et la soupesa. Son regard furax croisa celui horrifié de Herennui. Le traitre s’éloigna du mur, fit quelques pas en arrière. Elthalion prit son élan. Herennui fit volte face et commença à courir. Elthalion banda ses muscles et envoya la lance à travers la grille. Elle déchira l’omoplate gauche de Herennui qui s’écroula par terre en hurlant.

Quatre soldats royalistes fatigués arrivèrent à ce moment là.

__ Ouvrez la herse, leur ordonna t-il.

Herennui gigotait sur le sol, tentait de se relever avec une lance de deux mètres qui lui traversait le corps. La douleur était trop forte et il était trop épuisé pour parvenir à utiliser l’imaginaire. Il regarda Elthalion s’approcher en serrant les dents.

__ Herennui, dit il en pointant sa lame sous son menton. Vous vous êtes rendu coupable de la pire des félonies. Dites moi pourquoi.

__ Le roi Rêveur est un produit du passé, ricana Herennui avant de cracher du sang, le poumon perforé par la lance. Il ne saurait tarder à tomber. Je – Nous nous sommes contentés de faire place nette.

__ Où Krishnen a-t-il emmené le prince ?

Herennui fronça les sourcils, la mine peu amène.

__ Krishnen a toujours eu ses propres motivations, répondit il d’un ton sombre. Je pense qu’il ne nous a rejoint que dans le seul but d’atteindre les labyrinthes. Ce qu’il veut y faire et pourquoi a-t-il besoin du prince héritier ? Comme otage sans doute, je n’en sais pas plus. Mais il est évident qu’il menait un double jeu. Avec ses hommes nous vous aurions vaincu. S’il était resté avec nous…

Il toussa, se courba en deux, agrippa sa poitrine, vomit des caillots rouges. Il était évident qu’il n’en avait plus pour longtemps.

__ Vous ne seriez pas allés plus loin avec lui, dit Elthalion en regardant au loin. Et d’un coup d’épée il acheva le félon à l’agonie.

Des combats s’étaient engagés à la première porte de l’enceinte qui protégeait les faubourgs de la ville. Des villageois qui avaient cru les choses calmées étaient sortis et courraient maintenant vers la ville haute pour y trouver refuge. La terre tremblait et des rugissements retentissaient. Une armée était en marche. Elthalion avança, flanqué de deux soldats, à sa rencontre.

A sa droite se trouvait la longue allée dallée parsemée de petites ziggourats de pierre qui menait au Temple de l’Ordre Labyrinthique. Le complexe religieux était aussi imposant que la ville haute, et le temple lui-même aussi gros que le château. Il y avait ainsi deux villes : la cité civile et la cité religieuse, séparées par la forêt où avait eu lieu l’embuscade, le tout encerclé par une première enceinte. Les faubourgs avaient grandis le long de la route qui reliait ces deux villes.

Ses habitants se rendirent compte qu’il n’était peut être pas sûr de rejoindre la ville haute, qui risquait d’être encore la proie des combats. Alors ils bifurquèrent au croisement et remontèrent le chemin jusqu’au temple, aux murs ocres imposants. Les colonnes d’or du bâtiment central se voyaient même d’ici. Le long de la route s’étaient postés les gardes blancs du temple. L’Ordre Labyrinthique avait sa propre armée, des fanatiques qui passaient leur vie dès leur plus jeune âge à s’entrainer aux arts de la guerre et du combat, et à la méditation religieuse, pour servir et protéger l’Ordre.

L’Ordre n’avait pas bougé d’un pouce lorsque les armées rebelles avaient assiégé la ville trois jours plus tôt. Les rebelles avaient d’ailleurs pris garde de ne pas s’approcher du Temple. Les soldats de l’Ordre s’étaient contentés de regarder d’un air détaché les combats qui se déroulaient juste sous leur nez, sans agir.

Et là encore, ils ne faisaient rien. Ils accueillaient les fuyards dans le silence, veillaient seulement à ce que ceux-ci ne troublent pas le repos des moines et la méditation des guerriers. Elthalion s’en méfiait. A cette heure de trahisons, de complots, de plans, de double-jeu, à quel camp appartenait l’Ordre ? Profiteraient ils du chaos pour prendre le pouvoir et imposer leur doctrine divine ? Ou rejoindraient ils leurs adversaires ?

Ou bien demeureraient ils passifs, comme toujours ?

Elthalion fit face à l’armée qui déferlait devant lui. Leurs armures étaient noires, leurs manches et pantalons blancs. Un cavalier plus imposant que les autres s’en détacha, escorté par six autres chevaliers montés. Il reconnut le seigneur Thélor, que la reine était partie cherchée à la faveur de la première nuit de siège, dans l’espoir de prendre les rebelles à revers. Avait-il tenu parole ? Se souvenait il de son serment de fidélité ou bien avait il prit la reine en otage et venait il réclamer le trône ?

Le capitaine de la garde royale serra son épée et se tint prêt à tout. Le seigneur Thélor arrêta son cheval noir à quelques mètres de lui et lui envoya un franc sourire.

__ Eh bien, capitaine ! s’exclama t-il à la vue du corps empalé de Herennui. Quel beau travail d’artiste que voila !

Et d’éclater de rire comme d’une bonne blague.

__ Dois je comprendre que vous ne nous avez pas attendu pour mâter la sédition ? reprit il toujours aussi jovial.

__ Vous me pardonnerez de ce manque de courtoisie, répliqua Elthalion légèrement acide que ce manque d’à propos agaçait. Les rebelles ont effectivement tous été exterminés. Presque tous.

Le seigneur Thélor fit un signe à ses hommes derrière lui.

__ Qu’on apporte un cheval au capitaine de la garde royale, ordonna t-il avant de se tourner vers l’intéressé. Nous allons en parler en chemin voulez vous, sinon nous allons écoper vous et moi d’un torticolis, l’un à regarder en bas, l’autre en haut !

Elthalion grimpa souplement sur le cheval blanc qu’on lui présentait. Ils se mirent en marche, suivit par l’armée dont les rangs se reformaient en ordre d’apparats. Elthalion résuma les évènements des derniers jours et dernières heures. Le seigneur Thélor écouta avec une gravité de plus en plus marquée. Son visage avait perdu toute sa jovialité lorsqu’il entendit la fin.

__ Nous pouvons toujours espérer que ce vibreur de Krishnen se soit perdu dans les labyrinthes, commenta t-il, il aurait emporté le prince avec lui ce qui serait cependant embêtant. Quant au roi, il y a toujours un moyen de libérer une personne prisonnière d’un labyrinthe. Nous mettrons en place des équipes d’exploration et de secours aussi rapidement que possible. Il y en aura bien une qui triomphera des périls du labyrinthe et nous ramènera notre roi sain et sauf.

__ C’est ce que nous pouvons espérer en effet, fit Elthalion toujours aussi méfiant.

Il y avait une lueur apparue dans le regard de Thélor lorsqu’il lui avait appris que le roi était prisonnier et le prince porté disparu, qui ne lui avait pas plu. D’autant qu’il avait pu de lui-même constater que les effectifs de la garde royale étaient massacrés. Ils étaient tout au plus une centaine, sur les six milles qui protégeaient à l’origine la ville. Quant aux quatorze milles hommes du guet et de la milice civile recrutés dans le feu de l’action, ils avaient eux aussi soufferts des combats, et leur allégeance était des plus discutables. La plupart allaient désertés, retrouver leur famille, ou bien suivraient le plus offrant.

L’équation selon Elthalion, était simple. Le roi était prisonnier, l’unique prince héritier disparu, la reine voyageait au cœur du convoi qui suivait, et l’unique armée de poids si l’on exceptait l’Ordre aux desseins obscurs, était celle de Thélor. Ce dernier avait tous les pouvoirs au creux des mains. Et il était assez intelligent pour le savoir.

Pour l’instant il ne ferait rien. Il s’assurerait le soutien d’un maximum de seigneurs, que ses positions dans la ville soient sûres. Il prétexterait la recherche du prince pour s’assurer que celui-ci ne reviendrait jamais, et abandonnerait le roi à sa prison quadridimensionnelle. Quant à la reine il y avait de fortes chances qu’il la force à l’épouser pour renforcer sa légitimité sur le trône usurpé.

Et lui, Elthalion, le capitaine de la garde royale, soit il jurait allégeance à un usurpateur, soit il se condamnerait à mort.

L’armée défilait dans la rue principale de la ville haute, qui reliait l’enceinte externe au château. La population terrifiée depuis ces derniers jours sortait enfin de ses maisons barricadées. Soulagée que tout se finisse bien et que le calme revienne, elle hurlait sa joie. Elle accueillait victorieuse une armée qui ne s’était même pas battue.

Le château dressait devant eux sa silhouette éclairée par les premiers feux du jour. Les incendies avaient été maitrisés. Des carcasses noircies, squelettes de tours, pointaient leurs poutres calcinées vers le ciel, accusatrices. Ce même ciel qui se reposait enfin, distordu par les combats imaginaires durant trois longs jours. La trame de l'univers avait autant souffert que la ville même.

A l’avant de l’armée, deux hommes franchirent les premières portes du château. Chacun réfléchissait à son avenir. Les yeux de l’un brillaient, ceux de l’autre s’éteignaient.[/SPR]


LA RELATIVITE DE LA MORT

[SPR]… la rongeait. Comment tout son univers avait il pu s’effondrer aussi rapidement ? N’était ce pas en réalité un mauvais rêve, un cauchemar des anciens temps ? Tous ces gens qui les acclamaient, on aurait dit un jour de fête. Si on oubliait les cadavres et les ruines. Et ce château qui jamais ne lui avait apparu aussi gigantesque. Ses tours étaient très hautes, rapprochées les unes des autres, tels des enfants qui se blottiraient ensemble pour combattre le froid. Les toits étaient terriblement pointus, des lames d’acier s’apprêtant à transpercer le ciel. Tous les bâtiments donnaient cette impression de compression. Les fenêtres n’étaient guère que des meurtrières, hautes mais étroites, de même que les portes.

De l’extérieur, le château ne semblait pas du tout accueillant. L’intérieur prodiguait un relatif confort. Mais elle n’était pas sûre de vouloir y retourner. Plus maintenant. L’appréhension la taraudait. Elle écarta les rideaux de sa litière pour regarder une à une les meurtrières, à la recherche d’un retour amical. Elles lui semblèrent toutes vides et froides.

On lui ouvrit la porte et elle descendit. Le seigneur Thélor et le capitaine Elthalion s’entretenaient à l’avant avec des soldats. Des hommes un peu partout déblayaient les décombres et évacuaient les corps – faisant peu de distinction des morts et des blessés. Ce n’était pas un lieu pour une dame.

Elle repoussa ses servantes qui ne demandaient qu’à lui faire plaisir. Elles voulaient l’emmener dans ses appartements. Mais elle redoutait le château qui lui apparaissait comme un piège à loup titanesque à destination de quelque dieu qui commettrait l’erreur d’y mettre les pieds. Ces tours dentelées et piquantes ne formaient elles pas comme des crocs ? Un monstre la gueule ouverte sur le ciel, le corps enterré profondément dans le sol. Les labyrinthes n’étaient alors rien d’autre que les tortueux boyaux de son estomac.

Un monstre avide qui venait de dévorer son fils et son époux.

La reine ne voulait pas y retourner. Pas encore. Elle avait la force d’affronter tous les périls qui se mettraient sur son chemin, comme elle avait vaincu seule l’escadre que les rebelles avaient lancé pour l’empêcher de prévenir le seigneur Thélor de ce qui se tramait dans la capitale. Mais il lui fallait encore un peu de temps pour accuser le choc. Se remettre de ces émotions qu’elle dissimulait aux autres si bien, apparaissant aussi digne qu’une reine se devait de l’être.

C’est alors qu’elle senti une présence. Elle fit volte face et se retrouva devant son mari, son amour. Une barbe grisonnante lui mangeait les joues. Le pauvre avait eu autre chose à faire ces derniers jours que de se raser. Ses cheveux bruns lui coulaient sur le front et la nuque, poisseux de sueur et de sang. Il ne semblait pas blessé mais était visiblement fatigué. Elle reconnut cependant dans ses yeux la puissance de sa détermination, et dans son sourire l’étendue de l’amour qu’il lui portait.

Elle voulut le toucher, mais il le lui refusa d’un geste.

__ Je ne suis pas vraiment là, mon amour, dit il d’une voix chaude.

Elle comprit immédiatement.

__ Ainsi, Elthalion disait vrai, tu es retenu prisonnier d’un labyrinthe, fit elle avant de jeter des regards aux alentours. Mais les autres…

__ N’ait crainte, l’apaisa le roi, ils ne peuvent pas me voir. Je n’apparait qu’à ceux auquel je le permets. Mon enveloppe physique est prisonnière du labyrinthe mais j’ai mobilisé assez de puissance pour en faire sortir mon esprit. Malheureusement c’est là tout ce que je peux faire. Je n’ai pas réussit à agir sur le réel.

__ Ce n’est pas grave, nous te ferons sortir de cette prison.

__ Sans nul doute, en convint le roi d’un ton assuré. Si les gens te voient parler toute seule dans le vide ils vont te croire folle. Je vais passer dire un mot à Elthalion puis nous nous retrouverons dans tes appartements. A plus tard, ma douce, mon cœur restera toujours prisonnier de ton âme.

Le capitaine de la garde royale avait pris ses distances avec le seigneur Thélor. Il semblait bougon. Quelque chose le tourmentait. Craignait il autant qu’elle de pénétrer dans cette demeure maléfique peuplée de fantômes ? Elle se sentait rassurée néanmoins, de savoir qu’elle pouvait compter sur son mari. Ils le libèreraient et sauveraient leur fils des griffes de Krishnen. Que le minotaure les protège, elle espérait que cet infâme n’avait pas touché à un seul cheveux de son enfant.

Elthalion se mit à fixer le vide d’un air ahuri, puis se composa une expression neutre et hocha doucement la tête. Son regard croisa celui de la reine. Il la rejoignit.

__ Ma Dame, permettez moi de vous escorter jusqu’à vos appartements.

__ Faites, capitaine, ce périple m’a terrassé.

Si les corps avaient disparu, on n’avait pas encore réussi à nettoyer le sol et les murs de toutes les tâches de sang. La reine fit comme si elle ne remarquait rien. Arrivés dans ses appartements qui jouxtaient ceux du roi, elle congédia sa suite, ne gardant que le loyal capitaine.

Elle le détailla à la dérobée, de haut en bas.

Était-il vraiment loyal ? A quel point pouvait-on lui faire confiance ? Son époux avait été victime d’une embuscade et emprisonné dans un labyrinthe, et à chaque fois le capitaine était présent. Il n’avait rien fait pour empêcher ces évènements de se produire. Et tous les rebelles étaient morts. Quelle commodité. Elthalion n’avait il pas lui-même pourchassé Herennui pour s’assurer de son silence ?

Le roi lui faisait confiance, mais les hommes faisaient parfois preuve d’un aveuglement consternant. Elle par exemple, ne doutait pas une seule seconde que le seigneur Thélor allait profiter de la situation pour prendre le pouvoir. Quel camp allait rejoindre Elthalion ? Qui était son véritable maitre ?

Son mari leur apparut à nouveau. Elthalion se redressa immédiatement, au garde à vous. Elle s’assit sur le rebord de son lit, las.

__ J’ai parcouru tout le château, en vain, annonça le roi. Je n’ai trouvé nulle part de trace de notre fils bien aimé. Et malheureusement les labyrinthes exercent une pression qui m’empêche d’en approcher. Je peux en sortir mentalement, mais ni les approcher de trop près, ni pénétrer à l’intérieur, je suis confiné aux quatre murs qui me servent de tombeau.

__ Je vais mettre sur pieds des équipes et nous fouillerons tous les labyrinthes de fond en comble s’il le faut, s’exclama tout de suite Elthalion

__ Tous nos ennemis n’ont pas été abattus, rappela la reine d’un ton ferme. Mis à part Krishnen – et il n’est même pas sûr qu’il soit véritablement allé dans les labyrinthes – la question de la loyauté du seigneur Thélor peut se poser.

__ Je sais, approuva le roi d’un air triste. J’avais plus confiance en Krishnen qu’en Thélor. Je vais le tenir à l’œil. Reposez vous. La bataille n’est pas finie et quoi qu’il arrive, vous aurez besoin de toutes vos forces.

Il disparut. Elle n’avait même pas eu le temps de s’entretenir avec lui en privée d’Elthalion. Elle redoutait de fermer l’œil cette nuit. Combien d’ennemis pourraient souhaiter sa mort ? Si ce n’était pas Elthalion qui lui tranchait la gorge, ce pouvait être Thélor ou Krishnen, ou qui sait encore. Elle envisagea de s’enfuir discrètement rejoindre le Temple, seul à même de la protéger. Mais elle se méfiait de l’Ordre lui aussi. Il avait toujours joué son propre jeu. Ne vénéraient ils pas les labyrinthes, ceux là même qui avaient causé la perte de son époux ?

Cette réflexion lui donna un début d’idée. Si quelqu’un savait comment sortir un homme prisonnier des labyrinthes, c’était sans doute eux. D’un autre coté, qui mieux qu’eux savait construire des labyrinthes ? N’avaient ils pas enseigné cette technique à Herennui et ses sbires pour se débarrasser du roi ?

Elle était entourée de traitres affirmés ou potentiels. Elle ne pouvait se fier à personne, si ce n’était son amour.

Le capitaine Elthalion alla se poster dans l’antichambre, en bon chien de garde. Elle barra la porte derrière lui. S’il s’offusqua de l’entendre déplacer les meubles pour bloquer la porte, il n’en dit rien. S’il était vraiment loyal, il saluerait plutôt l’initiative. Les fenêtres étaient bien trop étroites pour qu’on entre dans la chambre en escaladant depuis l’extérieur. Un enfant ne s’y serait pas glissé. Et il n’y avait qu’une porte. L’ameublement était assez dépouillé pour que personne ne puisse s’y cacher. Un lit à baldaquin, un coffre, une armoire, un bureau, quelques chaises, des tapis au sol et tapisseries aux murs. Rien à voir avec la profusion de richesses des appartements du roi, mais ce n’était là que celui de la reine. Quant à ceux des simples nobles, servants et soldats…

Elle s’endormit, un poignard sous l’oreiller.

En rêve, elle vit le seigneur Thélor tenir un conciliabule avec ses hommes les plus proches, autour d’une table dans ses propres appartements. Il faisait nuit et une bougie produisait le seul éclairage tremblotant.

__ Impossible de trouver le jeune prince, disait l’un des hommes en armes. Nous avons fouillé tout le château, même remué la ville et les bois. S’il n’a pas été emporté par Krishnen dans sa fuite hors de la cité Rêveuse, alors il est soit dans un labyrinthe et on ne retrouvera probablement jamais, soit il a été tué lors des combats et son corps est quelque part dans les buchers funéraires.

Thélor n’était pas content. Disparue, sa bonne humeur et ses jolies blagues.

__ Cela ne me convient pas du tout, grogna t-il en tapant du poing sur la table. Je veux le voir mort, vous entendez, mort, je veux voir le cadavre de cette petite merde, qu’il soit dévoré par les charognards. Qu’en est-il du roi ?

__ Le capitaine Elthalion a commencé à former des groupes d’exploration. Ils devraient se mettre en route demain. Il a demandé conseil à l’Ordre Labyrinthique mais celui-ci ne lui a pas encore répondu.

__ Ces groupes ne doivent jamais parvenir dans le labyrinthe qui retient le roi prisonnier. Jamais personne n’est ressorti vivant – ressorti tout court – d’un labyrinthe mais nous ne pouvons nous permettre aucun danger. Faites combler toutes les ouvertures du labyrinthe.

__ Une dizaine se sont matérialisées dans les sous sol du château…

__ Murez les toutes !

__ Il serait impossible de boucher totalement un labyrinthe, intervint un homme barbu. Il se construirait ses propres entrées et sorties. Si nous condamnons toutes celles du château, il en apparaitra d’autres à l’extérieur, en pleine ville, dans la campagne ou sur une ile déserte, mais il faut toujours au moins deux portes à un labyrinthe.

__ Peu importe, trancha Thélor d’un geste impatient. Tant qu’on ne peut plus y accéder d’ici.

__ Que fait-on pour le capitaine Elthalion et la reine ?

__ La reine m’épousera et le capitaine Elthalion me jurera allégeance. S’ils refusent, tuez-les.

La reine se réveilla. L’esprit de son époux se trouvait à coté d’elle. Il souriait d’un air contrit.

__ Les félonies de ce prétendu serviteur fidèle sont désormais démontrées. Il va falloir agir vite, pendant qu’ils pensent que tu dors.

La reine se redressa. Elle jeta un regard à sa barricade improvisée qui n’avait pas bougé.

__ La garde royale ne dispose pas d’assez d’hommes pour tenir tête à l’armée de Thélor, dit elle. Le guet et la milice n’ont aucune raison de me suivre, et je ne peux pas seule former une guerre civile. Fuir chez l’Ordre ? Je ne leur fait pas confiance. Je n’ai personne à part toi, mon amour.

__ Tu as Elthalion, lui rappela son roi.

__ Je ne suis pas sûr de pouvoir me fier à lui, dénia t-elle. Il a laissé toutes ces choses se produire sans parvenir à les empêcher.

__ Il n’y pouvait rien ! s’exclama le roi pour une fois surpris.

__ Je ne suis pas si sûre, répliqua la reine d’un ton dur. Il a peut être lui aussi ses propres objectifs en tête.

__ Je n’ai rien aperçu de tel, dit le roi en fronçant les sourcils. Il est de toute façon l’unique et meilleure aide dont tu peux disposer à l’heure actuelle. Car la seule solution qui s’impose à moi est que vous veniez tous les deux me libérer du labyrinthe avant que Thélor en ait bouché toutes les entrées.

La reine était parvenue à la même conclusion. Mais si des groupes entiers d’aventuriers chevronnés n’avaient jamais survécu à la traversée de ces dédales oniriques, comment un homme et une femme sans matériel ni préparation le pourraient ils ? Sans compter qu’elle ne faisait pas confiance à Elthalion.

Elle y réfléchi un moment et trouva une solution. Qui le plairait certainement pas à son époux. Elle le lui expliqua.

__ Hors de question ! rugit il.

__ Nous n’avons pas d’autre choix satisfaisant.

__ Ce choix ne me satisfait pas du tout ! Je ne te le permettrais pas !

__ Faisons entrer Elthalion et demandons lui.

Elle retira péniblement les meubles qui bloquaient la porte. Elthalion, fidèle au poste, se tenait raide debout devant la porte, main sur l’épée. Il se tourna à moitié vers elle.

__ Ma Dame, vous désirez quelque chose ?

__ Entrez, je vous pris, lui dit elle. Nous avons à parler.

__ Votre Majesté, salua Elthalion dès qu’il vit le roi.

__ C’est hors de question ! répéta ce dernier en fulminant dans son coin.

__ Comme nous le pensions, Thélor complote pour s’emparer du trône, expliqua la reine au capitaine. Il fait chercher notre fils pour le tuer, va faire murer le labyrinthe pour vous empêcher d’y engager des expéditions au secours du roi, et quant à nous, si nous ne lui jurons pas allégeance il nous fera assassiner.

__ Jamais je ne me soumettrais à cet individu, déclara spontanément Elthalion en serrant les dents. Vous n’avez qu’un mot à dire, ma Dame, et je vais sur le champ l’occire.

__ Vous n’y parviendrez pas. Il est trop protégé. Et quand bien même, il serait remplacé par un autre. Nous devons nous introduire dans le labyrinthe et sauver le roi avant que Thélor ne referme toutes les entrées.

__ A seulement deux ? demanda le capitaine perplexe.

__ Vous seul, corrigea la reine, et avec moi d’une certaine façon.

__ C’est non ! répliqua le roi.

__ Je vais me sacrifier, mourir, et transférer mon esprit en vous, continua la reine. La puissance de mon imaginaire s’ajoutera à la force de votre physique, et nous parviendrons ensemble à triompher du labyrinthe.

__ C’est insensé ! commenta le roi d’un ton acerbe.

__ Permettez moi d’émettre également quelques doutes sur ce plan, ma Dame.

Une fois que je serais en toi, il te sera impossible de me trahir, pensa la reine pour elle-même.

__ Je ne dispose pas hélas de la condition physique nécessaire pour survivre à l’épreuve que nous allons affronter. Quant à vous, vous n’avez pas l’imaginaire assez puissant pour libérer mon époux de ses étraves oniriques. Séparés, nous mourront rapidement. Ensemble, réunis dans un même corps, mais deux esprits différents, alors nous réussirons. Vous aurez toujours le plein contrôle de votre corps. Vous ne sentirez rien de différent. Aucune gêne. Simplement ma voix lorsque j’interviendrais, ou ma puissance qui deviendra votre.

__ Mais vous mourrez, protesta Elthalion que l’idée n’emballait pas.

__ Je suis prête à en payer le prix, assura la reine d’un ton qui ne souffrait aucune réplique.

__ Pas moi ! dit le roi qui se mit à genoux devant elle. Je ne veux pas que ma vie te coute la tienne. Je ne supporterais pas de vivre ou même gouverner sans toi à mes cotés. Quel sens aurait mon retour, dans un royaume en ruines, sans épouse et sans fils ?

__ Je ne serais pas vraiment morte, le rassura la reine avec douceur. Mon esprit sera toujours là.

__ J’accepte, s’exclama alors Elthalion à leur grande surprise. Si c’est là le seul moyen de vous sauver mon roi, et puisque la reine ne décèdera pas véritablement, alors je suis prêt à faire moi aussi ce sacrifice de mon individualité.

__ Le sort en est jeté ! cria la reine.

Elle se précipita vers son oreiller, se saisit du poignard et se le planta dans le cœur. Le roi bondit vers elle mais ses mains lui passèrent au travers. Ce fut Elthalion qui la soutint et la reposa doucement sur le lit. Et puis il chancela. Son esprit surchauffait. Il se tint la tête à deux mains et hurla. Son cerveau lui faisait mal, comme s’il allait exploser. Il sentit la puissance de l’imaginaire de la reine qui quittait son corps à l’agoni et se concentrait de toute sa force sur lui. Lui imposait sa volonté. La structure même de son esprit fut altérée pour qu’il puisse en accueillir un second. Il suffoqua.

J’ai réussi, pensa la reine et Elthalion l’entendit. Elle était désormais dans sa tête. Mais il gardait l’entier contrôle de son corps, comme elle l’avait promis.

Le roi contemplait le corps désormais sans vie de sa bien aimée. Puis son capitaine. Il reconnut deux esprits distincts, dans la même enveloppe. Il sut que sa femme n’était pas morte. Cela le satisfit.

__ Allons y, dit Elthalion de sa propre bouche.

Ils quittèrent les appartements de la reine et descendirent les escaliers de pierre exigües jusqu’aux sous-sols. Les premiers étages inférieurs contenaient les caves et entrepôts à froid, les suivants des prisons et salles de tortures qui aux bruits étaient toujours actives. Enfin, s’enfonçant dans les entrailles de la terre, s’étaient les labyrinthes qui s’étendaient alentour.

La salle Dédalique était immense. Le château lui-même semblait pouvoir y rentrer tout entier. Il y faisait aussi froid qu’en plein hiver. Et ses murs étaient percés de centaines d’ouvertures, que se soit au niveau du sol ou à trente mètres de haut. Elles menaient vers des couloirs, qui eux-mêmes conduisaient à d’autres couloirs et d’autres ouvertures. Un véritable dédale qui menait partout et nulle part à la fois.

Et ce n’était pourtant pas un labyrinthe à proprement parlé. Les entrées des labyrinthes se croisaient par hasard, au cœur du dédale. Elles se repéraient au changement brutal d’atmosphère, d’environnement. La pierre couleur ocre de la salle Dédalique laissait place à du gris, du noir, du blanc, des couleurs. Un seul coup d’œil permettait de distinguer le dédale du labyrinthe.

Trouver celui où était enfermé le roi fut facile. L’ocre laissait brusquement place à des dallages de marbre rouge. Le labyrinthe avait reconstitué l’environnement d’où il était issu. Une prison coquette, qui seyait bien à un roi.

__ C’est ici que l’on se sépare, intervint ce dernier. J’ai déjà du mal à maintenir ma concentration dans la salle Dédalique. Si j’entre dans ce labyrinthe, mon esprit va être happé par mon corps. Vous devrez vous en sortir sans moi.

__ Nous réussirons, Votre Majesté, jura Elthalion.

__ A plus tard, mon amour, dit la reine de la même voix.

Elthalion cligna des yeux, déconcerté, le roi éclata de rire et disparut.

Elthalion, la reine avec lui, s’engagea dans le labyrinthe. [/SPR]


FOLIE TEMPORELLE

[SPR]… se perdre. C’était une chose aisée, après tout, dans un labyrinthe. D’autant plus quand celui-ci ne se contentait pas d’aligner les couloirs, détours et cul-de-sac, mais également les escaliers, les puits sans fond, et que vous ne vous déplaciez pas seulement dans l’espace mais aussi dans le temps. Tourner ici vous faisait avancer de deux heures, quand prendre cette allée vous ramenait trente minutes en arrière. En absence de moyen de mesure du temps, ils ne s’en rendirent pas compte.

Jusqu’à ce qu’ils soient brusquement torturés par la faim, alors qu’ils venaient tout juste de manger un encas que la reine avait préparé en prévision de leur périple.

__ Sommes nous revenus dix minutes en arrière, ou avons-nous avancé quatre heure en avant ? demanda Elthalion.

__ Je l’ignore, répondit la reine. Je n’ai pas pensé à emporter un sablier. Ça ne m’a pas parut pertinent de savoir mesurer le temps. Je savais que les labyrinthes avaient quatre dimensions, mais je pensais que c’était simplement vu de l’extérieur, que cinq minutes dedans équivalaient à cinq secondes dehors. Pas que le temps lui-même se difractait au sein des couloirs.

__ En soi, ça ne semble pas particulièrement gênant.

__ A moins que la montée d’un escalier nous fasse gagner soixante ans, répliqua la reine.

__ Ou que nous redevenions des enfants oui, je vois. Mais cela ne semble pas affecter nos esprits. Nos corps changent, nos esprits ne reviennent pas en arrière – ou en avant.

__ Nous n’en savons rien. Nous n’avons croisé – pour autant que nous l’ayons remarqué – qu’une seule dépression chronologique. Il est possible par exemple que nous venions de traverser un couloir à rebours, et que nous ayons une conversation déjà tenue dans le passé. Ou bien que nous soyons au début du labyrinthe et que notre esprit présent soit celui du futur.

Elthalion frissonna.

__ En d’autres mots, il vaut mieux ne pas y penser.

__ A moins de vouloir devenir fou, oui, c’est mieux, rétorqua la reine.

Et ils se turent. Jusqu’alors, le tableau en lui-même offrait vu de l’extérieur une confortable dose de folie. Un homme parlant seul et se répondant de la même voix, simplement sur des tons différents.

Il était impossible de se repérer. La structure du labyrinthe changeait constamment. Elle altérait parfois même les objets qui s’y trouvaient. Ils avaient au départ déroulé une pelote de ficelle – la reine en avait rempli un sac entier – pour retrouver la sortie et marquer leur chemin. Hélas, après s’être perdus, ils remontèrent la ficelle déroulée et s’aperçurent que l’autre extrémité… était inexplicablement soudée à la pelote qu’ils tenaient dans leurs mains. La pelote n’avait plus de bout. Ce n’était qu’une seule ficelle de plusieurs mètres qui formait un circuit fermé. Comment le labyrinthe avait il accompli cette impossible bizarrerie ?

Ils abandonnèrent la pelote et sortirent une craie pour marquer les murs. Ils trouvèrent cependant des traces de craie qu’ils étaient sûrs de ne pas avoir fait eux-mêmes – du moins pas dans leur tranche d’espace-temps. Etait ce une marque en provenance du futur ? Ou un leurre formé par le labyrinthe pour les tromper ? Ils se rendirent compte que cette méthode non plus ne menait à rien et ils rangèrent la craie.

En plus de ces précautions, la reine – par l’intermédiaire physique d’Elthalion – avait commencé dès le début à tracer une carte. Elle représentait les couloirs par de simples lignes, afin de gagner de la place. Quand ils se rendirent compte que le temps changeait, elle ajouta des icones schématiques ; une flèche en avant pour un bond dans le futur physique, une flèche en arrière pour un retour vers le passé, un tourbillon pour un passage qui vous condamnait à revenir au même endroit si vous vous obstiniez à tenter de le traverser. Elle ne savait pas quoi mettre pour matérialiser les changements temporels de leur esprit, car ils étaient bien plus durs à identifier – et elle n’était même pas sûre qu’ils existent réellement.

Mais un autre problème se posa : le labyrinthe n’était pas plat. Il y avait des escaliers et des pentes parfois si douces qu’on ne se rendait même pas compte que l’on changeait d’étage. Elle dû rajouter ces escaliers et dessiner les étages sur de nouvelles feuilles. S’ils s’en tenaient au plan, ils avaient parcouru cinq étages, et croisés assez d’escaliers pour plusieurs autres.

Les couloirs n’avaient pas une taille constante. Ils étaient parfois si minuscules que seule une souris aurait pu s’y glisser, et pouvaient s’élargir jusqu’à former une véritable salle. Ils étaient par contre uniformément de marbre rouge veiné de blanc, sol, murs et plafond. Cela donnait l’impression à la reine de traverser des boyaux. Elthalion y voyait plutôt du sang qui coulait en cascade. Comme celui qui s’était répandu dans la grande salle lorsque le roi avait ordonné l’exécution des rebelles, juste avant d’être enfermé ici.

Et tout cela, c’était sans compter l’ultime obstacle, le gardien suprême du labyrinthe, le minotaure. Créature du labyrinthe, il n’était pas atteint par les changements temporels et savait parfaitement où il devait aller. Monstre bestial et invincible il traquait sans relâche ceux qui s’égaraient dans les couloirs et que ces derniers n’avaient pas tués.

Jusqu’à présent ils ne l’avaient pas rencontré. Mais ils savaient que leur chance finirait par tourner.

__ Que dit le plan ? demanda Elthalion en s’arrêtant dans une salle qui lui était familière.

__ Le plan ne dit rien, répliqua la reine agacée en farfouillant ses différentes feuilles pour trouver celle qui correspondait. Il pourrait très bien s’agir d’une salle que nous avons déjà traversée, à moins que le labyrinthe ne copie certaines sections afin de nous donner une impression de déjà vue.

Elthalion se laissa glisser le long d’un mur, s’assit par terre. Ses mollets lui faisaient mal. Etait ce parce qu’il avait beaucoup marché maintenant, ou bien la salle lui donnait elle le physique des heures à venir ? Il préférait ne pas y penser.

__ Comment trouver la salle centrale où est retenu prisonnier le roi si nous sommes totalement perdus ? se lamenta t-il.

__ En dressant un plan exact du labyrinthe nous finirons par en connaitre tous les coins et finalement, nous saurons où se trouve son cœur.

__ Autrement dit, nous errons au hasard jusqu’à tomber par miracle sur le bon endroit ?

__ Ne soyez pas aussi défaitiste, s’agaça la reine.

__ Et si le labyrinthe changeait sa structure après notre passage ? Que le plan que nous traçons se révélait obsolète dès le premier couloir tourné ?

La reine resta silencieuse. Elle avait bien évidemment envisagé cette possibilité. Elle avait préféré ne rien dire pour ne pas plomber davantage le moral du capitaine. Celui-ci interpréta correctement son mutisme.

__ Vous vous en doutiez, l’accusa t-il d’un ton dur.

Elle ne dit toujours rien. Il se leva et fit demi tour, revint sur leurs pas. D’après la carte il devrait arriver à un croisement en T. Ce fut bien le cas. Marcher d’une vingtaine de pas et arriver à un cul-de-sac en boucle, comme un P. Or ce fut une fourche en Y que formèrent les couloirs. Il regarda bien la carte pour s’assurer qu’il ne s’était pas trompé. Il rebroussa chemin pour retourner à la salle. Un escalier se dressa juste devant lui, il n’avait pas fait trois pas.

__ Ce fichu labyrinthe se fou de nous, jura t-il en grognant.

__ Nous sommes obligé de marcher en avant, intervint la reine. C’est ce qu’il veut nous faire comprendre. Aucun demi-tour n’est possible.

__ Et si nous essayions en marchant à reculons ? lâcha Elthalion mais la reine fut insensible à son humour acide.

Ils montèrent l’escalier. Encore des couloirs. Il y avait assurément de quoi devenir fou. Mais ce n’était rien à coté de ce qu’ils virent, cinq minutes plus tard. Une ombre sur le mur du couloir opposé. Une silhouette humaine. Le minotaure ? Ils se plaquèrent contre le mur et jetèrent un coup d’œil quand les pas se rapprochèrent. Elthalion blêmi.

Ce n’était pas le minotaure. D’un certain coté, c’était bien pire. Les pas s’éloignèrent. Des voix retentissaient, une même voix en réalité, qui parlait toute seule et se répondait.

__ Nous sommes déjà passés par là ou nous allons passer par là, commenta la reine comme si ça ne l’avait pas touché.

Elthalion reprit ses esprits et traversa le couloir. Il prit la parole quelques mètres plus loin.

__ Que se passerait il si nous nous rencontrions ? Que nous nous parlions ?

__ C’est un paradoxe que je ne parviens pas à résoudre, avoua la reine. Faisons en sorte que ça n’arrive pas.

Ils ne se rendirent pas compte qu’en traversant le couloir, ils avaient été épiés. Par leurs doubles du passé, deux minutes plus tôt. Ils continuèrent leur chemin. Un hurlement perça l’espace. Elthalion sorti son épée et se mis en garde.

__ C’était un cri humain ? demanda t-il angoissé.

La reine ne répondit pas, une habitude qui devenait franchement agaçante.

__ Répondez ! C’était le minotaure ou…

__ C’était nous, lâcha la reine. Ce cri, c’était le vôtre. Dans un futur, proche ou non, nous allons croiser la route du minotaure. Et il va vous faire mal. Très mal.[/SPR]

RENCONTRE AVEC UN MINOTAURE

[SPR]… l’évidence. Elthalion ne se voilait pas la face. La reine avait probablement raison, son destin l’attendait, quelque part dans ces couloirs. Une part de lui cependant ne voulait pas y croire, ou plutôt voulait croire autre chose : croire que l’avenir n’était pas figé et que si c’était lui qu’ils avaient entendu, ce n’était qu’un lui possible parmi d’autres. Que peut être, seulement, il se ferait déchiqueté par le minotaure. Mais dans cette réalité ci, il s’en sortirait.

Il redoutait désormais, plus encore que le minotaure, de croiser son cadavre au détour d’un couloir. Il ne savait pas s’il le supporterait. Il se remémorait le paradoxe décrit par la reine. Et s’il croisait un Elthalion du futur ? Il pourrait lui dire quel couloir emprunter et lequel mènerait – éventuellement – sur le minotaure ou quelque malheur que pu receler le labyrinthe. En rassemblant les informations de plusieurs Elthalion situés à différentes trames temporelles, des dizaines, des centaines de versions de lui-même du passé et de tous les futurs possibles, alors il pourrait vaincre le labyrinthe à son propre jeu. Utiliser ses déformations temporelles contre lui.

Il soumit cette idée à la reine.

__ Ce n’est pas totalement stupide, répondit elle après un instant de réflexion.

__ Merci, répliqua t-il légèrement vexé.

__ Cela nécessiterait cependant de savoir précisément à quels endroits du labyrinthe notre physique ou notre esprit est projeté dans le futur – ou rétrogradé dans le passé. Or, si nous rebroussons chemin pour tenter d’aller aux points temporels déjà rencontrés, nous savons ce qui se passera.

__ Le labyrinthe altèrera sa structure pour nous en empêcher, compléta Elthalion, lugubre. Qui sait si nous n’avons pas frôlé le cœur des dizaines de fois, mais qu’il a comblé les portes pour que nous ne le trouvions pas.

La reine ne dit rien. Elthalion sentait qu’elle faisait quelque chose dans son crâne, mais il ne parvenait pas à savoir quoi. Il avait l’impression désagréable de ne servir que de monture, un cheval parlant indigne de partager ses pensées. Il espérait simplement que, quelle que fut son activité, elle visât à les sortir de là.

__ Nous sommes déjà passés par là, parvint il à dire d’un ton presque détaché.

__ Je sais, dit la reine, elle, totalement sereine.

__ Dois je continuer pour tourner en rond ?

__ Oui, ordonna la reine.

Elle semblait presque excitée. La curiosité d’Elthalion en fut titillée. Il reprit exactement le même trajet qu’auparavant. Puis il se souvint.

__ Nous allons traverser un bond temporel ! s’exclama t-il à la vue d’une salle ronde familière.

__ Exactement.

__ En quoi cela va-t-il nous aider ? demanda t-il dubitatif.

__ C’est un bond spirituel, expliqua la reine. J’en suis sûre. Nous aurons donc les connaissances du futur. C’est un gain de temps fantastique. Nous connaitrons à l’avance la carte pour toute cette partie du labyrinthe.

Elthalion marcha avec précaution dans la salle ronde. Parvenu au centre, un flash lui vrilla le crâne et il se courba en deux. Reprenant son souffle, il se redressa.

__ Je ne constate aucune différence, fit il déçu ou bien soulagé, il ne sut pas trop.

__ Nous ne sommes pas censés nous rendre compte, lorsque nous traversons ces sauts temporels mentaux. Mais depuis quelques temps, je consacre la puissance de mon imaginaire à la réalisation d’un plan, inspiré de votre idée. Dites vous que j’ai tissé un cocon dans mon esprit pour isoler nos connaissances d’avant le passage dans la salle, et celles d’après. C’est pourquoi nous sommes toujours les mêmes qu’avant, nous avons nos personnalités du présent. Les « nous » futurs sont retenus à ma portée. Vous voyez, une bonne maitrise de l’imaginaire est nécessaire pour triompher du labyrinthe.

__ Alors, qu’est ce que ça donne ? demanda Elthalion en faisant mine d’ignorer le ton fanfaron de la reine.

__ Les nous futurs ont relevé un autre bond temporel mental plus loin. Si nous allons de ces bonds en bonds, alors nous finirons par recueillir des connaissances s’étendant sur plusieurs jours d’exploration, et ce en seulement quelques heures. Et en recoupant toutes ces informations, nous pourront dresser une carte précise du labyrinthe.

Ils se mirent à l’œuvre. Elthalion se laissa guider par la reine impérieuse, avec de plus en plus l’impression de n’être qu’un âne de trait. Le pire c’est qu’elle ne ressentait pas sa douleur physique. Il l’avait deviné, lorsqu’elle avait dit que le minotaure lui ferait mal, à lui. Pas à elle. Alors les flashs douloureux que provoquait son petit transfert de connaissances temporelles, il était le seul à les subir. Mais elle était la reine, il était après tout bien normal que lui, simple soldat, souffre pour elle. Et pour le roi.

Six bonds mentaux plus tard, la reine cria eurêka.

__ Dresser un plan général du labyrinthe risque de me prendre un peu de temps, lui annonça t-elle. Vous feriez mieux de vous reposer.

__ Vous ne connaissez pas l’emplacement d’un bond physique rétrograde ? Nous gagnerions du temps.

Elle resta muette un instant, puis le guida jusqu’à un couloir semblable à tous les autres. Sauf que lorsqu’il l’emprunta, son mal de crâne, la lourdeur de ses mollets, tout ça disparu au profit de la forme qu’il entretenait dix heures auparavant. Il dû reconnaitre que savoir utiliser les pièges du labyrinthe pouvait se révéler un atout d’une immense valeur.

La reine se mit à jubiler dans sa tête. Manifestement, ce qu’elle avait trouvé se révélait très intéressant.

__ En rassemblant tous les plans dressés dans les futurs, j’ai déniché la faille dans la structure du labyrinthe. Il essaie sans cesse de nous éloigner d’un endroit. Les couloirs font brusquement des détours, on monte ou on descend, des déformations temporelles nous égarent… Le plan du labyrinthe apparait plus ou moins complet, si ce n’est ici, dit elle en montrant un emplacement effectivement vide sur la carte. C’est là que se trouve le cœur, que se trouve le roi mon époux. Nous n’avons croisé qu’un seul couloir y menant, mais nous ne l’avons pas emprunté.

__ Pourquoi cela ?

__ C’était dans cette direction que nous avons entendu le cri, avoua t-elle avec la décence de paraitre gênée.

__ Je vois, lâcha Elthalion en respirant un grand coup pour calmer son cœur qui s’affolait soudainement. Donc il n’y a qu’un seul passage pour le cœur du labyrinthe, et c’est là que réside le minotaure. Logique, après tout. Nous n’avons plus qu’à y aller.

Il suivit attentivement les indications de la reine, évitant les culs-de-sac et les fragmentations temporelles. Ils mirent un bon quart d’heure avant de parvenir devant ce couloir, terrible, où il lui semblait encore entendre ce cri.

Il tendit l’oreille, nerveux, mais non, aucun bruit. Pas même le souffle bruyant d’un minotaure. Il sorti son épée par précaution et marcha avec prudence dans le couloir le plus oppressant qu’il n’ait jamais vu. Etait ce lui ou bien l’atmosphère avait subtilement changé ? Le sang lui montait au cerveau trop vite, ses veines battaient, douloureuses. Il tremblait légèrement.

Il devait se reprendre, ce n’était pas digne d’un guerrier, capitaine de la garde royale.

Il prit de grandes inspirations, ralenti son rythme cardiaque, tint plus fermement son épée.

Il tomba nez à nez avec le minotaure. Il leva son épée, mais trop tard, celle que tenait la créature vrilla l’air, incisa sa poitrine brisa plusieurs cotes et perfora des organes. Il hurla.

__ Faites demi-tour ! piaillait la reine dans sa tête. Faites demi tour dès que possible !

Il tenta de lui obéir. Le minotaure leva son arme et s’apprêta à lui porter un nouveau coup, qui le sectionnerait salement en deux. Elthalion esquiva d’un pas de coté contourna le monstre et courut aussi vite qu’il pouvait. Sa main droite tenait mollement son épée, tandis que sa gauche plaquée contre son ventre tentait d’empêcher son estomac de se répandre par terre. Il laissait derrière lui une importante trainée de sang.

Il avait assez d’expérience militaire et particulièrement de blessures de champ de bataille pour savoir qu’il ne s’en sortirait pas. La reine criait des instructions dans son crâne mais il avait trop mal, trop de douleurs partout pour l’entendre. Et la peur, terrible, qui le faisait vibrer, toutes les parcelles de son corps, une peur animale, instinctive, alors qu’il percevait nettement le pas rapide du monstre à sa poursuite et ses cris trop humains.

Pour ce qu’il en avait vu, le minotaure était plus grand que lui, peut être un mètre quatre vingt dix, mais pas aussi gigantesque qu’il l’avait cru. Et s’il était musclé, il n’avait pas la carrure qu’un taureau. Son visage en revanche… il préférait ne pas y penser. Un faciès monstrueux aux yeux rouges démoniaques et aux cornes d’or prêtes à l’embrocher. Le bougre était rapide en plus d’être puissant.

Combien de temps encore pourrait il fuir ? Il sentait ses forces l’abandonner. La créature du labyrinthe derrière lui hurla quelque chose qui ressemblait fort à du mécontentement. Pourquoi cela ? Se rapprochait il de la salle finale, où était enfermé son roi ? Cette pensée lui donna un peu d’espoir. Il fit un pas, puis deux, et puis…

La douleur disparue. Il n’avait plus de plaie, plus de cote cassée, tous ses organes parfaitement en l’état, son sang bien dans ses veines.

__ Un rebours physique ! s’exclama la reine ravie. Pile ce qu’il nous fallait !

__ Cela explique que le minotaure soit si furax, commenta Elthalion qui n’en revenait pas. Il connait le labyrinthe par cœur, il savait que j’allais droit vers ma résurrection spontanée. Mais cela ne nous avance pas beaucoup. Il est bien plus fort que moi et est dans son élément. Que faire ?

__ Continue de courir ! Je dresse une carte et te conseillerais sur le meilleur itinéraire possible. Il faut parvenir au cœur. C’est le seul endroit du labyrinthe où le roi est conscient et en possession d’une partie de ses capacités inventives. Avec son aide, nous triompherons du minotaure.

Ce dernier les avait rejoints en fulminant. Elthalion eut le temps de lui jeter un coup d’œil. Vu de loin, il n’était décidément pas si monstrueux que ça. En réalité, on aurait plutôt dit un homme avec un casque de taureau…

Il se remit à courir. A droite, lui disait la reine, à gauche, à gauche, criait elle, tandis que le minotaure suivait en brandissant son épée au dessus de sa tête, menaçant de leur couper la leur.

Et soudain, ils y furent. Le couloir menait droit vers une salle octogonale au centre de laquelle était posée une stèle de pierre. Le spectre du roi les y attendait, comme un badaud curieux.

__ Enfin ! s’exclama t-il en leur faisant des signes de la main comme s’ils ne l’avaient pas remarqué. J’avais peur que vous ne veniez jamais ! Je commençais à trouver le temps long.

Elthalion pénétra dans la crypte centrale du labyrinthe. Il ne ressentit rien de particulier.

__ Sire ! fit il d’un ton pressé. Nous avons besoin de votre aide pour vaincre le minotaure.

__ Bien sûr, rétorqua l’autre. Aucun problème, ça fait quatre-vingt ans que je m’y prépare.

Ni Elthalion, ni la reine n’eurent le temps de s’interroger sur cette déconcertante affirmation. Le minotaure entra dans la pièce, ignora le roi et leva son épée contre le capitaine. Le roi avait disparut. Elthalion se prépara à parer. Il ne pouvait plus fuir.

Mais le minotaure se figea. Il poussa une espèce de grognement, vibra, puis ses bras retombèrent le long du corps. Il regarda autour de lui comme si c’était la première fois qu’il voyait cette pièce. Elthalion le contemplait avec appréhension.

__ Ça alors ! s’exclama la voix étrangement juvénile du minotaure. Ça fait du bien.

Il leva les bras vers sa tête et en retira le casque de taureau. Ce fut le visage d’un jeune homme, presque adolescent, qu’ils découvrirent. Il avait de longues mèches blondes, des yeux bleus, des pommettes rondes et des lèvres pulpeuses. Un adolescent au physique d’athlète.

__ Ne vous étonnez pas de la jeune apparence du minotaure, dit le minotaure en parlant de lui-même. Il est après tout né en même temps que le labyrinthe, qui n’est pour son temps relatif, pas si vieux que ça.

__ Mon amour ! cria alors la reine.

__ Ma bien aimée ! répondit le roi.

Elthalion s’élança sur le minotaure et le prit dans ses bras. Ils échangèrent un baiser passionné. Elthalion contempla la scène avec retrait. Il ne s’était même pas rendu compte que la reine avait subitement prit le contrôle de son propre corps. Et il avait compris que le roi s’était emparé de celui du minotaure. Le tout aurait pu paraitre cocasse, si ça n’en était pas gênant.

Il attendit qu’ils se soient séparés, demeurant tout de même main dans la main, pour reprendre le contrôle de son corps. Il jeta un regard à celui qui se trouvait étendu sur la stèle. Un corps de vieillard, osseux, aux cheveux et à la barbe longs et blancs. Il reporta son regard sur le jeune minotaure.

__ Que s’est il passé ?

__ Le temps dans le labyrinthe ne s’écoule pas pareillement partout, ni pour tout le monde, expliqua le roi en lâchant sa main. Il fut une bonne chose finalement, que vous fussiez réunis dans un même corps, sans quoi vous auriez pu évoluer à des vitesses différentes, mettre deux heures à traverser un couloir, quand l’autre aurait mit deux minutes. Combien de temps s’est il écoulé pour vous ? Un jour ? Eh bien moi, cela fait quatre-vingt ans. Quand j’ai compris que le temps n’était pas le même pour nous, j’ai estimé la différence et calculé les conséquences. Mon corps physique vieillissait, et avait toutes les chances de ne plus être qu’un squelette poussiéreux à votre arrivée. J’ai donc consacré toutes ces années à préparer mon imaginaire pour le jour où vous m’amèneriez le minotaure. Si j’ai pu si facilement prendre le contrôle de son corps, c’est que j’ai eu près d’un siècle pour m’y préparer.

__ L’esprit du minotaure cohabite donc en toi ? demanda la reine avec appréhension.

__ Effectivement, convint le roi sans gêne. Je l’ai retranché dans l’arrière de mon crâne, il ne me troublera pas beaucoup. Il n’est qu’une pensée animale, sans conscience, que des instincts primaires : traquer, tuer, violer, manger. Je n’ai eu aucun problème à le comprimer par toute la puissance de ma propre conscience surdéveloppée. Sans compter que je suis dorénavant doté d’un corps qui ne ressent pas les effets du labyrinthe, qui en connait tous les détours, à la force physique dépassant celle d’un individu normal, et à la jeunesse plus que bienvenue !

__ Nous n’aurons donc aucune difficulté à trouver la sortie, s’enthousiasma Elthalion que la perspective de nouveaux égarements avait démoralisé.

__ Oui, mais j’ai d’autres choses à vous dire. J’ai surveillé Thélor pendant que vous vadrouillez n’importe où. Il à découvert que tu t’étais tuée, mon amour, et que vous vous étiez introduit dans le labyrinthe, capitaine Elthalion. Il a attribué les deux évènements à la folie, bien que certains aient cherché à vous accuser du meurtre de la reine. Il a fait murer toutes les entrées du labyrinthe qui donnaient sur la salle Dédalique. Il rassemble ses hommes pour se couronner roi. Nous allons devoir emprunter l’une des deux nouvelles ouvertures qui se sont créées, et espérer qu’elles ne nous amènent pas trop loin pour que nous puissions agir à temps et empêcher ce couronnement.

__ Allons punir ce félon ! jura Elthalion et ils se mirent en route.

La traversée du labyrinthe, avec ce passe droit qu’était le roi-minotaure – il avait d’ailleurs remis le casque, par pur style prétendit il – fut bien plus relaxante que la première fois. Ils parvinrent très rapidement à la sortie que désignait le roi. Tous les trois frémirent d’impatience à l’idée de revenir à la lumière du jour. Sauf le minotaure, mais ils ne firent pas attention à son avis.
[/SPR]

PERDUS DANS LE PASSE

[SPR]… à rien de connu. Des montagnes noires, un ciel gris, et un paysage monochrome. A croire que personne n’avait jamais pensé à inventer des couleurs. Cela en révélait beaucoup sur les gens qui peuplaient cette région. Moroses et taciturnes, probablement. Leurs pensées négatives avaient sculptés un monde aussi déprimant qu’eux.

__ Ah ! Quelle joie ! s’exclama rieur le roi Minotaure en s’étirant.

__ C’est le paysage qui vous inspire, sire ? demanda Elthalion qui ne partageait pas son hilarité.

__ Point, je n’étais simplement pas sûr que le minotaure puisse quitter le labyrinthe. Il s’avère heureusement que ce soit le cas. Bon, où sommes nous ?

__ Surement pas dans le royaume, répondit la reine. A moins que nous ayons fait un bond dans le futur en sortant et qu’il ait totalement périclité.

__ Pourtant, la dernière fois que j’avais jeté un coup d’œil au monde extérieur, il ne s’était pas écoulé plus de quelques heures depuis votre entrée dans le labyrinthe, dit le roi en fronçant les sourcils (ce qui ne se vit pas puisqu’il portait un casque).

__ Alors nous nous trouvons autre part. Espérons que ce ne soit pas trop loin. Explorons les environs et questionnons les premières personnes que nous croiserons.

__ Pour être aussi grise, la région doit être malfamée, intervint Elthalion avec son sens pratique habituel. Il faut rester sur nos gardes.

Le roi Minotaure éclata de rire. C’était un joli rire d’adolescent, tellement déplacé avec son casque monstrueux.

__ Nous ne risquons rien. Vous êtes un grand guerrier, capitaine Elthalion, sans quoi je ne vous aurais jamais promu capitaine de ma garde. La reine vous fournira la puissance imaginaire qu’il vous manque. J’ai quant à moi un nouveau corps d’une force surnaturelle, ajouté à cela ma propre puissance. Nous avons de quoi affronter tous les dangers.

__ Le capitaine Elthalion a cependant raison. Un mal ronge ce pays. Le labyrinthe nous a-t-il envoyé ici par hasard, ou à dessein ?

Le minotaure croisa ses bras en signe de mécontentement.

__ Tout le monde ne peut pas passer son temps à comploter, s’agaça le roi. Pas jusqu’aux labyrinthes. Leur fonction est seulement d’empêcher les gens de sortir. Ils ne vont pas jusqu’à pourrir la vie de ceux qui réussissent à s’en tirer.

__ Et si nous étions toujours dans le labyrinthe ? avança Elthalion.

__ Impossible, je le sentirais. Nous en sommes bel et bien sortis.

__ Et nous nous retrouvons dans une terre étrangère, sans matériel pour s’installer, ni provision, commenta la reine. Trêve de bavardages, trouvons un lieu habité pour en apprendre plus et nous abriter.

Ils marchèrent sur ce qui semblait être des dunes de poussière. Pas du sable, mais plutôt des gravillons de cendre. Ou bien c’était simplement la désolation ambiante qui donnait l’impression qu’un gigantesque incendie avait tout ravagé. Il y avait cet imposant massif noir devant eux qui dominait l’horizon, peu de plantes, aucune rivière. Pas de trace de vie.

Il leur fallu deux bonnes heures de marche avant d’entendre les premiers signes d’agitation, et donc de vie humaine. Ils se juchèrent sur une dune. En contrebas, une ville miséreuse entourée d’un rempart pitoyable. Des gens se dépêchaient de rentrer dans la ville, d’autres d’en partir. Peut être d’en fuir.

__ Nous ferions mieux d’aller voir ce qu’il se passe, dit le roi après quelques minutes d’observation.

Elthalion lui lança un regard dubitatif. Le minotaure ne portait qu’un pagne, des jambières et des avant-bras en ce qui pouvait être du bronze, et son épée dans son dos, retenue par une lanière de cuir. En plus de son horrible casque. Il était certes impressionnant, mais ne passait pas particulièrement inaperçu.

__ Je ferais mieux d’y aller seul, fit Elthalion. Enfin, façon de parler, avec la reine. Vous pourriez ainsi couvrir notre retraite en cas de problèmes.

__ Je ne suis pas stupide, capitaine, j’ai parfaitement compris ce qui vous dérangeait. Soit, allez y.

Se faire réprimander par un gamin de seize ans… Avec un vieillard de cent vingt ans dans sa tête. Si Elthalion n’avait pas eu lui-même une femme dans la sienne, tout cela aurait pu le troubler. Mais il s’habituait.

Il descendit avec prudence de la dune poussiéreuse. Lorsqu’il s’approcha de la ville, personne ne fit mine de s’interposer ou de lui demander son identité. Il n’y avait que deux portes, et beaucoup de gens entraient et sortaient, tous avec un air terrifié. Le mur d’enceinte ne dépassait pas cinq mètres de haut et semblait en mauvais état. Peu de soldats patrouillaient sur son pourtour. Aucune tour de garde ni de meurtrière ou de fossé. Cette ville souffrait d’un cruel manque de protection.

__ Cherchez une personne isolée, lui dit soudain la reine.

Il n’essaya pas de comprendre. Allait elle lui demander de passer quelqu’un à tabac pour le faire parler ? Il s’engagea dans l’artère principale. Il n’y avait aucun dallage, juste de la boue sableuse, des planches pourries, des immondices, et parfois, des cadavres dévorés par les mouches. Les habitants ne semblaient pas s’en soucier. Aucune maison en pierre, que du bois, de la chaux, du torchis, du vite fabriqué.

Elthalion remarqua de nombreux gens d’armes. Il se préparait quelque chose.

__ Suivez cet homme, lui ordonna la reine alors qu’un villageois leur passait devant pour s’engager dans une ruelle déserte.

__ Que voulez vous que je lui fasse ? Que je le tabasse ?

__ Surtout pas ! Laissez moi lui parler.

Il rattrapa l’homme et lui tapota l’épaule. Celui-ci fit un bond de surprise et se plaqua contre le mur d’une maison. Il parut paniqué, puis se calma soudainement.

__ Que se passe t-il ici ? demanda la reine à travers sa bouche.

__ Nous nous préparons pour l’arrivée de l’empereur-Dragon, dit l’homme docile. Ses légions sont en marche et ne tarderont plus. D’ici la fin du jour, elles seront là, guidées par l’empereur-Dragon lui-même.

__ Vous êtes en guerre ?

__ En guerre ? répéta l’homme sans manifester d’émotion. Non. Nous sommes simplement sur son chemin.

__ Racontez moi toute l’histoire, lui ordonna la reine, et l’homme s’exécuta.

__ Autrefois, le royaume d’Indrianée en Haut, était gouverné par un roi paisible, le roi Drüme. Le roi avait un frère, Ariihere, à l’imaginaire puissant, à la grande force et à l’ambition démesurée. Il était gênant à la cour, à toujours parler de guerre et de l’extension du royaume, alors le roi Drüme l’envoya dans les contrées frontalières pour les pacifier avec une poignée de guerriers. Cela équivalait à un exil, mais Ariihere en profita pour accroitre son pouvoir. Il entraina une véritable armée d’élite et conquis des terres au nom de son frère. Les cités qui lui résistaient étaient anéanties. Il les pillait et recrutait leurs meilleurs hommes. Il étendit les frontières du Bas du royaume.

« Il découvrit lors de ses conquêtes le moyen de se transformer en dragon. Seul un imaginaire aussi fort que le sien pouvait le permettre. Personne d’autre n’avait encore réussit. Avec ce pouvoir formidable à sa portée, plus personne ne pu lui résister. Et son frère décéda, il échu ainsi du trône. Il se fit nommer empereur-Dragon et réclama le monde entier en héritage. Depuis il n’a de cesse d’étendre ses frontières. Aucune armée n’a jamais pu affronter la sienne. Les cités des Kernels avaient formé une alliance qui rivalisait avec la taille de son empire, mais une nuit il alla visiter tous ses chefs et les carbonisa dans leur lit. Aujourd’hui l’alliance des Kernels est dissoute, ses cités aux mains de l’empire. Aucun inventif n’a jamais réussit à tenir tête à l’empereur-Dragon.

« Et il se dirige vers nous maintenant. Nous ne sommes pas de taille. Nous allons nous rendre. Combattre serait vain, et il nous tuerait tous et raserait notre village de la carte.

__ Il n’y a personne pour vous aider et s’opposer à lui ?

__ Les cités du Bas en auraient bien la force, mais elles sont querelleuses et ont plus de chances de s’allier à l’empereur-Dragon pour s’entretuer, que de s’unir contre lui.

__ Dernière chose, dit la reine. Savez vous où se trouve le royaume des Songes ?

__ Aucune idée, dénia l’homme. Mes connaissances en géographies se limitent à savoir qu’en Haut il y a l’empire d’Indrianée, et qu’en Bas il y a des cités querelleuses. Tout ce que je sais, je l’ai entendu de voyageurs et de marchands. Mais on a jamais fait mention devant moi qu’un royaume des Songes.

La reine le libéra de son emprise. Il fronça les sourcils, les regarda d’un drôle d’air, et continua son chemin en maugréant. Ils sortirent de la ville et allèrent rejoindre le roi qui trépignait d’impatience comme un gamin. La reine lui raconta tout.

__ Si nous restons ici, nous courons le risque d’être attrapés, trop étranges pour ce coin minable, dit le roi après un instant de réflexion. Manifestement, cet empire n’est pas pour nous. Mais je n’en ai jamais entendu parler. Si cet empereur-Dragon a véritablement pour but de conquérir le monde, mon royaume sera un jour ou l’autre en danger. S’il ne l’est pas déjà, ou ne l’a pas déjà été. Nous ne savons toujours pas en quelle année nous sommes.

__ Qu’allons nous faire, dans ce cas ? demanda Elthalion soucieux.

Le roi rajusta son casque terrifiant, se posta au sommet de la dune dans une posture très théâtrale, et le regard pointé vers l’horizon, annonça majestueusement :

__ Nous allons nous rendre chez ces cités du sud. Nous allons les unir, de gré ou de force. Me forger mon propre empire. Et affronter cet empereur-Dragon avant que sa puissance n’augmente. Et nous profiterons des ressources tirées de ces cités pour rechercher mon royaume et savoir en quelle époque nous sommes. Si nous sommes toujours dans le présent, alors je retrouverais Thélor et reconquérait mon trône. Si nous sommes dans le futur, je massacrerais tous ses descendants. Et si nous sommes dans le passé, je l’empêcherais de nuire.

« Quoi qu’il en soit, ce sera un dur combat qui nous attend. Mais bientôt dans le monde entier retentira, le nom glorieux du roi Minotaure !
[/SPR]

LES CITES QUERELLEUSES

LA POURSUITE NUAGEUSE

LA CITE LABYRINTHIQUE

Cliquer sur le lien pour aller à la deuxième page, celle ci ayant atteint la limite de caractères.
 
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DeletedUser22852

Guest
Voici ton premier commentaire :p

C'est plutôt sympa à lire, les combats d'imagination donnent une touche d'originalité et de style propre. Par contre j'ai eu l'impression d'arriver en cour de route^^ L'impression que ce n'était pas le début du texte et ça m'a un peu gêner. Tu commences dans l'action ce qui est accrocheur mais j'aurais préférer que tu poses tout de même un peu plus l'histoire.

Sinon c'est agréable, bien écrit et relativement inventif.

J'ai hâte d'arriver aux 5 commentaires ;)
 

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Oui c'est une impression faite exprès. Je n'aime pas particulièrement prendre mon lecteur par la main pour tout lui expliquer par les menus détails. Je vous lâche en pleine bataille, sans que vous sachiez le pourquoi ni le comment. Mais c'est pour donner envie de savoir ce qui va se passer ensuite, et peut être relire toute l'histoire une fois finie et la comprendre parfaitement, puisque vous en connaissez les circonstances. Les explications viendront petit à petit.
 

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Commentaire 2/5

Une guerre où la principale arme est l'esprit et son pouvoir d'imaginer ^^, génial ! Une histoire qui te correspond très bien, Ombre, et je suis au moins sûr qu'elle sera bien mené !

Bon il faudra faire attention à ce que le lecteur puisse tout comprendre, mais je me doute que les explications arriveront en temps et en heure (j'ai d'ailleurs ma petite idée sur la fin possible ;-) )

Sinon pas mal l'idée de 5 commentaire pour continuer :-D
 

DeletedUser22852

Guest
L'idée des commentaires est pas mal mais on va ramer pour y arriver :-D^^ Si on commente plusieurs fois ça compte ou pas ?^^

Sinon, je ne suis pas fan d'être lâcher en pleine bataille mais ce n'est pas très dérangeant non plus et puisque c'était fait exprès c'est très réussi mais ça donne encore plus envi d'avoir la suite pour pouvoir comprendre et les 5 commentaires sont loin :(

EDIT: Wervel a écrit: " Une guerre où la principale arme est l'esprit et son pouvoir d'imaginer ^^, génial ! Une histoire qui te correspond très bien, Ombre, et je suis au moins sûr qu'elle sera bien mené ! " tu fais souvent appelle à l'imagination voir des combats d'imagination dans tes récits Ombre ?
 
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trop court les chapitres! J'en veux encore encore et encore!

Tu pourras ajouter les chapitres précédent en même temps que le récit ne soit pas éparpillé?
 
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Guest
"trop court les chapitres!"
J'ai spécifiquement fait des chapitres courts (4/5 pages word) pour ne pas faire peur aux lecteurs. Je m'adapte, les histoires trop longues ont tendance à décourager. J'ai par exemple dû couper le premier chapitre en deux. Mais au final ça fait du suspens.

"Tu pourras ajouter les chapitres précédent en même temps que le récit ne soit pas éparpillé?"
Oui je les mettrais sur la première page, si c'est ça que tu veux dire.

"j'ai d'ailleurs ma petite idée sur la fin possible"
Ouah ça se serait balèze, parce que c'est tortueux ^^

"Sinon, je ne suis pas fan d'être lâcher en pleine bataille"
En réalité c'est en partie une private joke, depuis que Ordre a critiqué un texte de Wervel en disant que l'action était trop lente à démarrer, je m'amuse à commencer mes textes directement dans l'action.

"tu fais souvent appelle à l'imagination voir des combats d'imagination dans tes récits Ombre ?"
Eh bien non, c'est le premier. L'imaginaire a cependant une place importante, que se soit dans mes précédents récits des Aventures de Maitre Coloré, ou dans le rêve fabuleux. J'ai commencé à écrire une autre histoire sur l'imaginaire qui sculpterait la réalité, et qui devait précéder cette histoire ci (sans aucun véritable lien) mais comme j'ai terminé celle ci avant l'autre, je la poste en premier.

Allez encore un commentaire et j'envoi la suite n_n
 

DeletedUser22852

Guest
Je pense que faire des chapitres assez courts est un bon choix sur ce genre de forum. Personnellement lorsque je viens sur grepo et ce forum je ne compte pas y rester trop longtemps donc les textes courts m'attirent plus, même s'il faut un peu plus que 10 lignes tout de même^^

Oui je me rappel du texte dit "trop lent à démarrer" de Wervel sur un texte des Légendes Arthuriennes^^

J'adore l'imaginaire et l'idée de pouvoir sculpter la réalité par la pensée d'où mon envi particulière d'en voir plus pour voir ce que tu peux faire avec^^ J'espère que tu posteras aussi ton autre texte dont tu as parlé en plus de celui-ci ;)

EDIT: Commentaire 5/5
 

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Guest
"J'espère que tu posteras aussi ton autre texte dont tu as parlé en plus de celui-ci"
Oui mais je vais peut être attendre d'avoir fini de poster celui ci, pour ne pas vous submerger de choses à lire ^^

Suite mise à jour.

Fidèles et félons : le capitaine Elthalion de la garde royale part à la poursuite du vile Herennui. Pendant ce temps, une armée marche vers la cité royale. Amie, ennemie ? Elthalion l'ignore, tant les complots semblent se multiplier.

Prochain chapitre : La relativité de la mort. Où les complots s'épaississent. Parviendront ils à libérer le roi Rêveur de son labyrinthe ? Peut on faire confiance au soi disant fidèle Elthalion ? Aller, 5 commentaires pour le savoir :p
 

DeletedUser22852

Guest
Je suppose que tes combats d'imagination lui font pensés à Ewilan et aux dessinateurs^^

On s'éloigne un peu de l'action pour poser l'intrigue et les personnages, j'aime. Pour ensuite retourner à la tape je suppose^^
Sinon, l'idée d'une armée dont on ne connaît pas l’allégeance est appréciable afin de ne pas tout dévoiler et de garder du suspense.
J'aurais pensé qu'Herennui vivrait un peu plus longtemps afin de pouvoir donner un nom à l'ennemi et qu'il soit tué à la fin, je trouve sa mort un peu précipiter et qu'il y a un afflux de protagoniste un peu trop important à mon goût pour que se soit bien poser. Mais je dis ça seulement pour que se soit parfait à mes yeux^^ Le texte reste très bien, belle écriture et belles idées. Continu comme ça !
 

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Guest
On ne m'a même pas laissé le temps de poster et de faire parti des 5 premiers commentaires :mad:

Sinon j'aime beaucoup (l'époque médiévale me plait plus que tout) j'apprécie de même les nombreux détails des combats, on se sent pris dans l'action ce qui n'est pas le cas dans tous les textes.

Sinon j'aurai bien vu Herennui survivre, un peu la menace du "grand méchant" omniprésent :p

Et je trouve ton intrigue bien menée (les rebondissements avec Thélor et sa fidélité). Je lirai bien la suite moi :-D

Dans le chapitre 2 : " Son regard furax" Ça m'a un peu gênée de lire ça :-o Et puis une omoplate c'est au niveau d'un poumon ? :confused: (mes plus plates excuses si ma conception de l'anatomie humaine est faussée :-D)
 

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Guest
"Et puis une omoplate c'est au niveau d'un poumon ?"
L'omoplate c'est au niveau de l'épaule. Mais si on tient compte de l'arc de cercle qu'a dû faire la lance en volant, si elle traverse l'omoplate elle peut tomber vers le bas et donc traverser un poumon (explication tout juste inventée pour justifier ma propre conception de l'anatomie humaine :-D)

" " Son regard furax" Ça m'a un peu gênée de lire ça"
J'écris souvent phonétiquement, alors oui parfois je peux me tromper voir carrément inventer des mots ^^ Il y a une autre orthographe ? Ou une utilisation inappropriée ? Désolé si ça t'a choqué.

"Sinon j'aurai bien vu Herennui survivre, un peu la menace du "grand méchant" omniprésent "
"J'aurais pensé qu'Herennui vivrait un peu plus longtemps afin de pouvoir donner un nom à l'ennemi"
Oui mais moi je voulais qu'il meurt :eek: Non c'est vrai qu'en fait j'aurais pu le laisser en vie. Mais Elthalion devait l'interroger. Et l'armée de Thélor arrive juste après. Alors comment Herennui aurait il réussi à s'échapper ? Et s'il était capturé, ne courrait il pas le risque d'être exécuté pour trahison ? Il n'y avait malheureusement pas d'échappatoire pour ce pauvre Herennui.

"'il y a un afflux de protagoniste un peu trop important à mon goût pour que se soit bien poser"
Si je compte on a le roi Rêveur, emprisonné dans un labyrinthe, le capitaine Elthalion, narrateur à ses heures, le seigneur Herennui, descendu à la fin du chapitre, le seigneur Thélor, qui vient juste de débarquer, et la reine, qu'on a pas encore vu. ça en fait pas tant que ça :eek:
 

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Je suppose que tes combats d'imagination lui font pensés à Ewilan et aux dessinateurs^^

exactement, le pouvoir me fait penser à ewilan, mais autre chose aussi, dans la série A comme association (une collaboration de Erik L'Homme et de Pierre Bottero), il y a un roi qui décide de tout par la pensée (dans le 3 tome de Erik L'Homme) je sais que c'est pas copié, car le style est radicalement différent, mais cela me fait penser
 

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Ombre a dit:
En réalité c'est en partie une private joke, depuis que Ordre a critiqué un texte de Wervel en disant que l'action était trop lente à démarrer, je m'amuse à commencer mes textes directement dans l'action.
:-D !
Mouais, enfin il manque l'explosion... décidément nous n'arrivons toujours pas à la hauteur des espérance d'Ordre :p

Ombre a dit:
"j'ai d'ailleurs ma petite idée sur la fin possible" Ouah ça se serait balèze, parce que c'est tortueux ^^
j'aime bien le tortueux :rolleyes:

bon je me tais et je vais déguster le deuxième chapitre ^^ (ce post compte-t-il comme un commentaire :-D ?)
 

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"Et puis une omoplate c'est au niveau d'un poumon ?"
L'omoplate c'est au niveau de l'épaule. Mais si on tient compte de l'arc de cercle qu'a dû faire la lance en volant, si elle traverse l'omoplate elle peut tomber vers le bas et donc traverser un poumon (explication tout juste inventée pour justifier ma propre conception de l'anatomie humaine :-D)

Hou le vilain tricheur/inventeur :-D Mais ça se tiens comme ça :p

" Son regard furax" Ça m'a un peu gênée de lire ça"
J'écris souvent phonétiquement, alors oui parfois je peux me tromper voir carrément inventer des mots ^^ Il y a une autre orthographe ? Ou une utilisation inappropriée ? Désolé si ça t'a choqué.

En fait c'est le côté familier du mot "furax" qui m'a gênée dans la lecture d'un texte avec ce niveau de langue. J'aurais préféré "furieux" :-D
 

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Guest
Une très belle plume, sans discussion, le récit est clair, captivant et bien construite. La suite !
 

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Aller, vous avez mérité la suite n_n

On entre dans le prochain chapitre dans le vif du sujet, les deux prochains sont mes chapitres préférés n_n
 

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Tu as déjà tout écrit mais tu ne mets rien? Tu n'es pas drôle
 
Statut
N'est pas ouverte pour d'autres réponses.
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